honneur h la bouteille. En se retirant je leur dis que
j’allais mouiller au havre Dobo, et ils me promirent
de m’y apporter des cochons, des poules et d’autres
provisions; mais je dois ajouter, comme je l’ai su
plus tard, qu’ils étaient dans l’impossibilité de tenir
parole. Ils m’apprirent que tous les habitants de l’île
Wama, au nombre de trois cents , étaient chrétiens.
Le prêtre protestant comptait encore de nombreux
convertis sur l’île Wakan. Ils peignaient les naturels
de ces îles comme étant des hommes de moeurs douces
et tranquilles, mais en même temps ils ajoutaient
que les pêcheurs Bouguis, qui fréquentent ces parages,
et même souvent les Européens, abusaient de
leur faiblesse pour les enlever et les traiter comme
des esclaves.
Nous étions déjà très-près de l’entrée du canal
où je voulais mouiller, lorsque nous fûmes accostés
par une baleinière. Elle appartenait à un navire
hollandais qui était mouillé sur la rade et que déjà
nous avions rencontré à Banda. Le capitaine de ce
bâtiment, M. Chateau, nous avait reconnus de loin,
et il s’était empressé de venir nous voir et nous offrir
ses services comme pilote. J’acceptai avec reconnaissance
; toutefois, comme le vent nous était tout à fait
contraire, plutôt que de gagner le fond du canal par
un louvoyage long et pénible, je laissai tomber l’ancre
près de l’île Wama, par sept brasses de fond, aussitôt
que j’eus dépassé les entrées. Le canal qui forme
le havre Dobo peut avoir trois milles de longueur ; â
l’ouest il est presque fermé par une longue pointe de
sable prés de laquelle se trouve le véritable mouillage.
Deux navires, un trois-mâts et un brick, portant
tous deux pavillon hollandais, y reposaient sur
leurs ancres au milieu d’une flottille de praos malais.
Sur la pointe de sable se trouve un village considérable
, entièrement bâti par des Malais qui sont venus
créer là une véritable colonie, spéculant sur le tri*
pang, les perles, les tortues, les nids d’hirondelles,
et aussi sur les fournitures qu’ils peuvent faire aux
bâtiments de commerce qui visitent ces parages. Le
capitaine Chateau nous apprit que, pour le moment,
les provisions étaient fort rares et très-chères au
havre Dobo, il nous assura que le brick de guerre
anglais le Britomart avait passé une huitaine de
jours au mouillage ; il n’avait pu s’y procurer des cochons,
et il s’était dirigé sur les îles Key.
Dès que l’ancre fut tombée chacun se hâta d’aller
visiter la terre, mais une pluie abondante vint nous
enlever tout le plaisir de la promenade. La végétation
des îles Arrou paraît pleine de vie et de séve ; sur le
rivage, la forêt est presque impénétrable, des arbres
immenses élèvent leurs branches à de grandes hauteurs
, et des milliers de lianes, en les entourant de
leurs p lis, semblent les unir comme pour en former
un faisceau qu’il est bien difficile de franchir. Nous
ne sommes qu’à une distance bien faible de la Nouvelle
Hollande , et déjà la nature a totalement changé
de caractère. Nous avons quitté un pays dont le sol sec
et stérile semble pouvoir nourrir à peine les arbres
souffreteux qui y ont pris racine, et q u i, totalement
1839.
Avril.
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