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privés de fruits, ne laissent voir qu’un feuillage clairsemé.
Ici le sol paraît humide et fécond ; des arbres
de toute grosseur étendent leur belle ramure
comme pour mieux saisir les rayons d’un soleil bienfaisant
; sous la voûte que forment leurs branches, on
respire un air frais et salutaire ; de tous côtés on
distingue les beaux arbres fruitiers qui font l’ornement
des zones tropicales et qu i, en même temps,
donnent la nourriture à de nombreux habitants. Enfin
les îles Arrou semblent, par la vigueur de la végétation,
se rapprocher en tout point de la Nouvelle-*
Guinée, et s’éloigner de la Nouvelle-Hollande.
Contrarié par la pluie, ma promenade fut de courte
durée ; je ne tardai pas à regagner mon bord après
avoir collecté quelques objets d’histoire naturelle,
M. Jacquinot jeune rapporta à bord de la Zélée un
serpent boa de onze pieds de long qu’il avait tué d’un
coup de fusil sur un arbre et sur le bord de la forêt.
Ses dépouilles sont un des plus beaux échantillons de
la collection de l’expédition. Sa chair, à laquelle il
prit fantaisie aux ofliciers de goûter, ditM. Dubouzet,
fut trouvée délicieuse.
Dès le lendemain les travaux hydrographiques
commencèrent. M. Duroch fut chargé de lever le plan
du havre Dobo, MM. Dumoulin et Coupvent partirent,
avec le grand canot de la Zélée, explorer le canal qui
sépare l’île Wakan de l’île Trana. MM. les naturalistes
allèrent collecter des échantillons, tandis que
MM. les officiers, à qui le service laissait leur liberté,
firent de nombreuses visites à la colonie malaise
établie sur la pointe qui limite le mouillage à l’est.
L’état sanitaire de notre équipage me donnait
des inquiétudes sérieuses : le scorbut avait reparu,
M. Hombron m’avait signalé deux hommes qui
commençaient à en être gravement atteints depuis
notre départ d’Essington. Je désirais vivement de
pouvoir me procurer des provisions fraîches, au
moins pour nos malades, et ce fut dans ce but que
je dirigeai ma promenade en compagnie du capitaine
Jacquinot, vers les deux seuls villages qui se trouvent
sur la rive occidentale de l’ile Wama. Nous eûmes
bientôt franchi la distance qui sépare notre mouillage
du petit village appelé Devidzella, le plus éloigné
des deux. Six à sept cabanes le composent ; toutes
ces habitations sont construites en jon c s, assez espacés
pour permettre la circulation de l’air. Bâties sur
pilotis, leurs planchers sont élevés d’un mètre environ
au-dessus du so l, précaution importante, à cause
de l’humidité du sol et des insectes. Nous fûmes reçus,
dans ce village, par le maître d’école notre connaissance
de la veille, Domingo, qui cumule ces fonctions
avec celles de ministre du culte protestant dans
l’île de Wama. Nous nous adressâmes directement à
notre hôte pour obtenir des provisions, mais il nous
répondit que tout appartenait à Vorang-kaya, et que
celui-ci, occupé à la pêche du tripang, étant absent
pour le moment, il ne pouvait disposer de rien en
notre faveur. Vainement ensuite nous attendîmes
l’arrivée de ce chef, nous finîmes par perdre patience,
et nous nous décidâmes â nous rendre au village de
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