
 
        
         
		ques  serviteurs.  Nous  eussions  peut-être  cherché  à  
 nous  endormir  s’il  n’eût  pris  à  notre  hôte  l’envie  
 de  se  faire  masser  afin  de détendre  ses  membres fatigués  
 par  le  violent  mouvement  qu’il  venait  de  se  
 donner.  Dès  lo r s,  grâce  à  la  mobilité  du  plancher,  
 le  repos  ne  fut plus possible ,  et nous  ne  trouvâmes  
 rien  de  mieux  à  faire  que  de  regarder  ce  qui  se  
 passait  autour  de  nous.  Notre  homme  était  étendu  
 nonchalamment  sur  sa  natte,  tandis  qu’il  abandonnait  
 ses bras et ses  jambes à deux  \igouYeu\Papouas,  
 qui  les  pressaient  de  toutes  leurs  forces  sans  qu’il  
 parût  s’en  apercevoir.  Cet  exercice  durait  déjà  depuis  
 longtemps,  et  nous  pouvions  à  peine  étouffer  
 nos  envies  de  rire  en  voyant  ce  singulier  délassement  
 de  la  royauté,  lorsque  nous  éclatâmes.  Au  
 bruit que  nous fîmes V Orang-Kaya  souleva  ses  paupières, 
   il  s’aperçut qu’il  était  le  sujet  de  notre  hilarité  
 ,  et  aussitôt,  sans  se  lev e r ,  il  se  roula  sur  le  
 plancher jusque  dans le  petit cabinet dont j’ai  parlé,  
 où  nous  entendîmes  bientôt  ses  ronflements  dominer  
 quelques  voix  de  femmes  qui chuchotaient  entre  
 elles. 
 «  Enfin  nous  étions  seuls,  il  était  trois heures  du  
 matin,  la  lune  était  levée,  la  mer  commençait  à  
 monter.  Nous  n’avions  pas  de  temps  à  perdre  ,  
 nous  prîmes  nos  fusils  et  nous  courûmes  sur  la  
 plage ;  un  esclave  en  l’absence  du  chef nous  servit  
 de guide.  De  tous  côtés  dans  la  forêt  on  entendait  
 les cris des  cochons,  la plage  était garnie  de  ces  animaux  
 ,  mais  alertes  et  sur  la  défensive  il  était difficile  
 de  les  approcher  suffisamment  pour  les  tirer.  
 Évidemment  notre  chasse  était  manquée,  il  eût  
 fallu  se  poster  et  les  attendre  pour  espérer  de  les  
 tuer.  Cependant,  à  la  faveur  des  palétuviers  qui  
 garnissaient  la  côte  ,  M.  Lafond  put  masquer  sa  
 marche  et  faire  feu  sur  un  groupe  de  trois  qui  se  
 vautraient  dans  la  vase ;  un  de  ces  animaux  resta  
 sur  le  coup,  la  balle  avait  frappé  dans  l’oeil  et  lui  
 avait  fracassé  le  crâne.  Le  bruit de  cette  détonation  
 jeta  1 épouvante  dans  la  troupe  qui  regagna  la  forêt  
 avec  une  grande  vitesse.  Un  de  ces  animaux  passa  
 à  petite portée  de m o i,  mes  deux  coups  de  feu  ne  
 parvinrent  point  à  l’arrêter;  cependant  je  restai  
 convaincu  que  j’avais tiré juste,  et je  devais  acquérir  
 le  lendemain  la  certitude  que mes  suppositions  
 à  cet  égard  étaient  fondées. 
 «  Nous  continuâmes  à  longer  la  plage, jusqu’à  ce  
 que  le  jour  se  fît ;  nous  vîmes  courir  une  grande  
 quantité  de  cochons,  mais  l’éveil  était  donné  et  il  
 nous fut  impossible  de  nous  en  approcher assez pour  
 les  tirer.  Enfin  nous  trouvâmes  la  route  barrée  
 par  une  rivière  assez  considérable  qui  nous força  
 a  revenir  sur  nos  pas.  Ce  fut  alors  que  nous  rencontrâmes  
 notre  hôte  Safi-Rouddin  qui  toujours  
 désireux  de  nos  foulards  accourait  pour  nous  seconder  
 comme  il  nous  en  avait  fait  la  promesse.  
 Ce  brave  Orang-Kaya  était  suivi  de  trois  esclaves  
 portant  chacun  un  fusil;  quant  à  lui  il  n’était  
 pas  armé,  son  rang  ne  lui  permettait  pas  de  porter  
 le  nioindre  fardeau  lorsqu’il  pouvait  confier 
 1839, 
 Mai.