Décembre doublant pointe Anna, nous vîmes deux phoques
qui prenaient leurs ébats au travers des laminaires,
presqu’à toucher la pointe ; sur notre route,
nous rencontrâmes aussi bon nombre de cormorans,
de pingouins et de canards ; le vent et le courant nous
étaient contraires, de sorte que nous n ’arrivâmes qu’à
midi au fond de la baie Rocky, après avoir été régalés
d’un grain de pluie assez abondant et dont l’extrême
fraîcheur était loin de nous procurer des sensations
agréables.
Cette baie Rocky, défendue d’une part par la pointe
Anna, de l’autre par un brisant qui se projette au
large de la pointe du nord, peut offrir un bon mouillage
par tous les vents, en exceptant seulement ceux
du N. E. au S. E. Au fond coule un beau ruisseau
d’une eau limpide, abondante, et qu’il serait facile
d’embarquer; enfin, le rivage offre une agréable lisière
d’un terrain très-uni, couvert de belles pelouses de
verdure; puis il se relève graduellement en amphithéâtre
et se couvre de bois peu épais. Si j ’en excepte
quelques merles, une grive et d’autres petits oiseaux,
ma chasse fut peu fertile, et la flore me parut encore
moins variée que sur les bords du Sedger. Quelques
cabanes abandonnées, formées de simples branchages
recouverts d’herbe desséchée, me rappelaient assez
bien celles des misérables Australiens du Port du
Roi Georges. Je pris le parti de revenir à la pointe
Anna, en suivant le littoral. Heureusement le jusant
é tiit très-avancé, autrement nous n ’eussions pas
pu y réussir, car en certains endroits les eaux, à
marée haute, viennent battre sur une côte peu praticable.
Entre Rocky-Point et la pointe Anna, régnent trois
petites anses nommées par King, Wig-wam, Middle et
Steamer-coves'; toutes offriraient d’excellents mouillages
pour de petits navires, et au besoin pour des
bâtiments comme les nôtres, en portant des ancres à
terre; chacune d’elles est pourvue d’un joli ruisseau
d ’une belle eau, et partout le bois se ferait aisément,
sans parler des troncs flottés qu’on trouve partout
sur la plage.
Dans toutes ces baies, le sol est composé de schistes
de phyllades par couches très-régulières de un à deux
décimètres d’épaisseur, disposées sous divers angles
d’inclinaison, depuis le gisement horizontal presque
jusqu’au vertical. Au bord de Wig-wam-cove, on
observe quelques masses solitaires et arrondies de
granit blanchâtre, en blocs de douze ou quinze quintaux.
Cette course eût été assez agréable, si les grains
de pluie n ’eussent pas été aussi fréquents.
J’ai oublié de mentionner qu’au fond de la baie
Steamer, près d’un ajoupa en ruines, nous remarquâmes
plusieurs ossements de chevaux, preuve infaillible
que les Patagons doivent quelquefois pousser
leurs excursions jusqu’en ces lieux; et ils doivent incontestablement
suivre le bord de la mer à marée
basse, comme nous avons fait, puisque toute autre
direction serait impraticable pour des chevaux.
J’ai fait jeter quelques coups de drague autour des
navires pour l’histoire naturelle, et l’on s’est procuré