« de hautes tours et de superbes temples. » Continuant
sa route le long du détroit, il arriva au goulet
qu’il nomma Notre-Dame-de-Grâce (probablement celui
qui porte maintenant le nom de 2egoulet). Là, il eut
encore à guerroyer contre les indigènes qu’il traite de
géants, et les ayant défaits, en parcourant le pays, il eut
encore la vue de ces édifices merveilleux ; mais il a soin
d’ajouter que tout cela lui semblait fantastique et qu’il
n ’en pouvait croire ses yeux. Un peu plus loin, vers
l’ouest, il trouve encore des sauvages grands, vigoureux
et bien proportionnés. Cette région lui sembla
plus tempérée que les autres, car, nonobstant le froid,
elle produisait du coton et de la cannelle que les naturels
nommaient Cabea. Sans doute, Sarmiento a pu
très-bien confondre l’écorce de Winter avec la cannelle,
mais il n’y a rien dans ce pays qui ait pu passer pour
du coton. Du reste, il est à peu près évident, aujourd’hui,
que ce navigateur mêlait toutes ces fables à des
faits positifs, pour amener plus facilement la cour
d’Espagne à l’exécution des projets qu’il méditait.
Dès qu’il eût terminé son exploration du détroit, il
se dirigea immédiatement sur l’Espagne, où ses récits
pompeux et ses fictions réussirent à persuader au roi
Philippe II de bâtir une forteresse dans le détroit,
pour en défendre l’entrée aux étrangers, attendu, disait
Sarmiento, que le canal était si étroit, que des
bâtiments pourraient très-facilement en défendre
l’entrée.
En conséquence, dès l’année suivante, 1581, une
flotte de 23 navires, montée par 3,500 hommes, fut
destinée à la fondation de la nouvelle colonie, dont
Sarmiento devait être le gouverneur. Flores de Valdes
était amiral de la flotte, et elle portait, en outre, 500
hommes de vieilles troupes pour le Chili. Dès le départ,
une tempête dispersa les vaisseaux, fit couler
bas sept d’entre eux portant 800 hommes. Une seconde
tempête fit périr encore un gros bâtiment, avec 300
hommes et 20 femmes destinés à la nouvelle colonie.
Divers autres accidents furent cause qu’on n ’arriva
au détroit que dans la saison contraire, et il fallut re tourner
à Paraïba passer l’hiver. Enfin, Sarmiento ne
put attérir au détroit qu’avec 400 hommes et 30 femmes
ayant pour 8 mois de provisions. Là, sur les trois
vaisseaux qui lui restaient seulement, un vint à périr
il garda le second, et le troisième, sous les ordres de
Ribeira, fut renvoyé en Espagne pour chercher des
secours.
Quant à Sarmiento, il construisit d’abord un fort à
l’entrée du détroit, le nomma Nom de Jésus, y laissa
150 hommes, puis se rendit par terre avec le reste de
son monde, et parvenu au milieu du détroit, y éleva
une place nommée Philippeville, qu’il pourvut d’une
bonne artillerie. Cela fait, il revint avec 25 matelots
à Nom de Jésus, où un coup de vent rompit ses câbles
et le chassa dans l’Océan Atlantique. Alors il se
dirigea vers Rio-Janeiro, où il comptait sur des secours
qu’il n ’y trouva pas ; puis à Fernambouc, où il
s’en procura d’insuffisants, enfin àRahia, où il fit naufrage.
Avec une constance digne d’un meilleur sort, il
rebâtit en ce port un nouveau navire, remit sous voiles