les bois, en grimpant la colline. Quoique ce fût presque à pic en
cet endroit, nous aidant des pieds et des mains, nous accrochant
aux racines, aux pieds des arbustes, nous parvînmes à gagner le
sommet, où nous nous reposâmes sur un lit fleuri de petites
bruyères très-basses et de mousse. La vue était admirable et planait
sur tout le détroit. Les grandes montagnes de l’île de Clarence’
semblaient avoir grandi en nous élevant. Le ciel était très-béau
sur nos têtes. Lèvent balançait les hautes cimes du hêtre austral'
et du bouleau, tandis qu’à nos pieds nous entendions le bruit
plaintif de la mer, qui battait les rochers : c’était réellement beau.
Nous entrâmes dans la forêt. Quant je ne vis plus autour de moi'
que cette masse touffue de grands troncs, que balançait légèrement
la brise, qui gémissaient en se fi’ottant les uns contre les
autres, au milieu de cette solitude imposante, en foulant cette
épaisse mousse qui couvrait le sol et tous ces arbres séculaires
jetés pêle-mêle, j’éprouvai ce frisson et ce recueillement qui vous
prennent en entrant dans une église gothique pendant la nuit.
Même majesté, mêmes jours mystérieux ; il y régnait ce même
froid humide des vieux murs ; p u is , par là-dessus, comme une
harmonie sauvage et lointaine., ce bruissement dû vent dans les
arbres; les grandes voix de la mer, arrivant par intervalles ; le
bruit même de la mer, qui retentissait comme sous une voûte,
tout portait a l’ame et au coeur un langage pénétrant et solennel.
Au milieu de tout cela, j’avais presque un frisson de peur. Nous
marchâmes ainsi environ vingt minutes, obligés tantôt de passer
de petits ravins sur des troncs jetés d’un bord à l’autre, tantôt
nous courbant sous des espèces de ponts, enfonçant dans la
mousse, escaladant cé sol coupé de vieux troncs cachés dans la
mousse ; enfin, au milieu de ce beau désordre primitif d’une forêt
vierge, nous revîmes le jour, et j ’avoue que cela me soulagea. Ce
silence et cette solitude m’avaient causé une impression qui me
serrait le coeur. Nous reprîmes bientôt le bord de la mer, n’ayant
fait que couper une des pointes de la baie de Bournand. Le cap
Remarquable était en face de nous, de l’autre côté de la baie;
mais le chemin, de ce côté, ne nous paraissait pas praticable. Celui
que nous suivîmes alors était superbe : c’était une large plage
de sable et de rochers, qui commençait où finissait le bois. La
marée était basse, et je jugeai que cette plage devait se réduire à
bien peu de chose à la marée haute.
Nous vimes là une masse de grives, que notre approche n’effaroucha
nullement. Le docteur, qui avait son fusil, en tua trois ou
quatre, que nous comptions faire rôtir si nous ne pouvions pas
revenir à bord pour dîner. Ari’ivés au fond de la baie, il nous
fallut encore remonter dans la forêt ; et voyant que le cap était
absolument à pic et inabordable par mer sans canot, nous résolûmes
d’aller à son sommet, où nous apercevions de temps en
temps la roche à nu : cela nous suffisait pour notre récolte de fossiles.
Nous passâmes donc encore à travers les b o is, mais la pi'e-
mière surpx'ise était passée : d’ailleurs, celui-là n’avait pas le beau
caractère de celui que nous avions tx’avei’sé auparavant. Il ressemblait
à ceux du Port-Famine ; seulement, les arbres étaient
plus élevés, et l’intéx'ieur par conséquent plus praticable, car il
n’y avait pas de bx’oussailles. Noxxs trouvâmes sur le penchant, à
peu près au milieu du coteau, un éxxorme bloc de gx’anit. J’en px-is
un échantillon, que je donnai à bord au docteur, pour l’histoire
naturelle. Près du sommet, la montagne était à nu dans un endroit.
Cela nous parut être la même formation qxxe le cap lu i-
même. L’aspect du x’este était le même ; et cela me désespéra assez,
car il n’y avait nulle ti’ace de coquillages fossiles. C’était une
agglomération de cailloux x'oulés, agglutinés par un ciment très-
dur ; l’extérieur était revêtu d’une couche assez épaisse de salpêtre.
Le sommet du coteau était beaucoup moins boisé, et les arbres
moins gx’ands. Nous vîmes là la même espèce de cyprès que j’avais
déjà vixe dans la baie Fortescxxe, et que nous n’avions pas trouvée
au Port-Famine. De temps en temps, il y avait des clairières dé