liXii INTRODUCTION,
dus me soumettre à remplir les obscures fonctions
auxquelles est assujetti un capitaine de vaisseau dans le
port. Au moins j ’y apportai, je puis le dire toute
l’exactitude, toute la ponctualité qui doivent caractériser
l’homme revêtu de l’uniforme, dans quelque situation
qu’il se trouve placé.
En outre, je dois être sincère , au commencement
de la révolution de juillet , une ardeur peut-être immodérée
m’avait inspiré des opinions très-ayancées et
que je ne me donnais point la peine de dissimuler.
Cette conduite, au moins imprudente dans un état où
l’on exige une obéissance passive et presque aveugle ,
m’avait signalé d’une manière peu favorable au ministère
de la marine. M. de Rigny m’avait donné des
preuves irrécusables de ses mauvaises dispositions à
mon égard, et j ’avais lieu de penser que ses successeurs
, sans m’être positivement hostiles, m’étaient
néanmoins peu favorables.
Du moins je sus me soumettre paisiblement et sans
récrimination à la position que je in’étais à peu près
faite. Jamais personne ne me vit proférer des plaintes
inutiles ou me livrer à des regrets superflus. Hormis
les moments que je devais accorder aux fonctions de
mon grade, mon temps tout entier était consacré à
l’éducation de mon fils unique, ainsi qu’aux études
INTRODUCTION. Lxm
d’ethnographie et de philologie des peuples océaniens,
études commencées depuis bien longtemps, mais souvent
interrompues ou du moins entravées par des travaux
plus urgents.
Malgré les attaques assez fréquentes d’une maladie
cruelle, la goutte , qui me tourmentait depuis plusieurs
années, pour un homme aussi casanier que moi * aussi
exclusivement attaché aux sentiments de famille, ce
genre de vie présentait bien des charmes.
Mais diverses raisons s’unirent pour me faire sortir
de cette retraite paisible. En avançant dans le cours
de mes recherches, je m’aperçus que la chaîne des
comparaisons était souvent rompue par des lacunes
dont plusieurs pourraient être remplies par une nouvelle
excursion dans les parages que j ’avais déjà deux
fois parcourus. Bien des gens qui ne pouvaient deviner
les motifs de mon inaction forcée, en plaisantaient et
l’attribuaient à un penchant à la nonchalance et à l’apathie
de ma part, tandis que je me croyais encore toute
l’énergie convenable pour naviguer d’une manière au
moins aussi active qu’ils le faisaient. Un second fils
était venu remplacer la fille que j ’avais perdue, et je
me figurais que je devais quelques sacrifices à mon repos
pour assurer un jour le sort de mes enfants d’une
manière plus honorable. Enfin, un dernier motif,