avec ses provisions, et une nouvelle tempête le contraignit
à les jeter à la mer et à relâcher à Rio. En
sortant enfin de ce port ^ il tomba inopinément au
milieu de la flotte anglaise aux ordres du chevalier
Raleigh, fut fait prisonnier et conduit en Angleterre.
Plus malheureux encore, les pauvres colons abandonnés
sans ressources et persécutés par la faim, les
intempéries de l’air, les sauvages et les bêtes féroces
épuisèrent la coupe des maux. Des plantes qu’ils semèrent
ou plantèrent aucune ne put croître, de sorte
que leurs provisions une fois entièrement épuisées,
la plupart moururent de faim. Alors ils se mirent à
errer à l’aventure sur les bords du détroit, cherchant
leur nourriture par le moyen de la chasse et de la
pêche. Ils passèrent ainsi une année entière vivant de
feuilles, de fruits, de racines, et d’oiseaux quand ils
pouvaient en tuer. Réduits au nombre de 23, dont
2 femmes, sur 400 qui formaient primitivement la
colonie, tous, hormis un seul, nommé Hernando,
qui fut recueilli par Candish, se décidèrent à prendre
par terre la route de Rio de la Plata. On ne sut jamais
quel fut leur sort.
Tenté par les succès de Drake, Thomas Candish
équipa, pour son compte particulier, une flotte de
3 vaisseaux, afin de courir sur les Espagnols dans la
Mer du Sud. Appareillés le 21 juillet 1586, ils donnèrent
dans le détroit le 3 janvier 1587. Le 7, ils
recueillirent sur le rivage le malheureux Hernando,
unique survivant de la colonie espagnole, et le surlendemain
ils mouillèrent devant Philippeville, dont
ils trouvèrent encore les ruines debout. On remarqua
pourtant que « la situation était agréable et avanta-
« geuse, proche des bois et de l’eau, dans lé meilleur
« endroit de tout le détroit de -Magellan. » C’est de
cette époque que ce lieu prit le nom de Port-Famine,
pour consacrer la mémoire du désastre des colons
espagnols.
Le 14, l’escadre doubla le cap Forward, puis toucha
à la rivière des Coquillages, sur la rive du sud,
dans une baie sablonneuse, au nord, nommée Elisabeth;
à 2 milles plus loin, Candish ayant remonté en
bateau une jolie rivière l’espace de 3 lieues, y trouva
un terrain uni, fertile et habité par des sauvages farouches
et anthropophages. D’après le grand nombre
de morceaux d’épées, couteaux et autres morceaux de
fer dont leurs flèches étaient armées, on jugea qu’ils
étaient les exterminateurs des Espagnols de Philippeville.
Les sauvages, dit un narrateur, firent tout ce
qu’ils purent afin d’attirer les Anglais vers eux; pour
toute réponse, Candish fit tirer dessus un coup de
canon qui en tua plusieurs.
De là jusqu’au canal Saint-Jérôme, ce ne fut qu’une
suite presque continuelle de coups de vent et de tempêtes
qui les forçaient a chaque instant a chercher
un abri. Les équipages souffrirent beaucoup de la
faim. Enfin on entra dans l’Océan Pacifique, le 24 février
1587, après cinquante-deux jours de traversée.
Animé par les résultats de sa première course, Candish
avec une flotte de cinq navires, repart de Ply-
mouth le 6 août 1591, et va mouiller le 8 avril suivant