Note 3o, page 56.
A six heures du soir, le commandant d’Urville m’ayant appelé
à son bord par un signal, je m’y rendis immédiatement. Il me
prévint qu’après avoir réfléchi plus mûrement sur le mouillage
de la terre des Etats , il s’était convaincu que cette relâche serait
trop stérile pour l’expédition, qu’elle nous offrirait peu de ressources
pour les équipages, le poisson y étant très-rare et la
chasse peu abondante ; qu’en outre, nous pourrions éprouver
de grandes contrariétés avant d’atteindre un ancrage sûr. A
ces premières considérations venait encore s’en joindre une autre
plus importante; c’est que d’après toutes les chances, d’après
toutes les relations, nous ne pourrions pas espérer trouver un
passage dans le sud avant le 15 février, et que par conséquent
toutes nos tentatives antérieures ne seraient propres qu’à nous
causer des peines et des fatigues inutiles. Après avoir bien tout
p e sé , et voulant autant que possible remplir ses instructions
q u i, bien que vaguement tracées sur cette première partie de la
campagne, parlaient néanmoins du détroit de Magellan après sa
pointe au su d , reconnaissance impossible à cette époque, il se
décidait à commencer par cette exploration , et allait faire route
pour le mouillage du Port-Famine. Je'ne pus qu’approuver cette
décision qui était toute dans l’intérêt de la campagne, de la
science et de la santé de nos matelots. Les faits bien arrêtés et
bien convenus, je retournai à bord de la Zé/ée, où cette nouvelle
causa une joie générale.
(M. Jacquinot.')
Note 3 i, page 56.
Ce jour, le commandant se voyant si peu favorisé pour se
x’endre à la terre des Etats qui nous offrait d’ailleurs peu de
ressources et d’intérêt, s’est décidé a faire route pour le détroit
de Magellan , dont l’exploration entrait d’abord dans les plans
de l’expédition. Si l’été austral n’est pas encore assez avancé pour
que la débâcle des glaces ait laissé des passages préférables vers
le pôle, nous ne pouvons que gagner à employer le mois de décembre
à la reconnaissance d’une partie du détroit q u i, depuis
Bougainville, n’a été visité par aucune expédition française. Nous
sommes à même de vérifier quelques points du travail du capi-
tainc King, et juger du degré de confiance dont ses caites doivent
jouir. Il est d’ailleurs d’un grand intérêt pour nous de visiter la
Patagonie et la Terre de Feu, qui peuvent être considérées comme
les limites australes de la végétation et des climats habités par
l’homme.
Le Port-Famine, situé au centre du détroit, nous offrira une
relâche plus profitable que la terre des Etats où l’on trouve ,
dit-on, peu de gibier et de poisson.
(M . Roquemaurel.)
Note 32, page 84-
Le soir, la terre prit un aspect menaçant; ce n’est qu’à grande
peine que nous pûmes débouquer du premier goulet. Les terres
qui bordent cette baie sont si basses, qu’on n’en aperçoit que des
lambeaux qui se détachent à peine de l’horizon, laissant entre eux
des intervalles qu’on prendrait pour autant de goulets. Le cap Gré-
gori seul se relève assez pour fournir un point de reconnaissance.
Aperçu sur le côté N . 0 . delabaie une ligne de brisants. Louvoyé
toute la soirée contre le vent et le courant contraires, pour atteindre
le mouillage du cap Grégori. Mais les grains et la pluie couvraient
la terre, et empêchaient de bien apprécier sa distance.
A neuf heures-et-demie du soir, mouillé par 16 brasses deau,
fond de vase et petits galets, à environ 4 ou 5 milles de 1 entrée
du deuxième goulet. La brise souflait par violentes rafales, et le