1837.
Octobre.
13.
CHAPITRE III.
Traversée de Ténériffe à Rio-Janeiro.
Dès le surlendemain nous trouvâmes les vents alises
réguliers du N. E. qui nous poussèrent assez rapidement
au S. 0 . Du reste, la mer était stérile et ne présentait
pas même à nos yeux ces brillantes physales
que nous y avions vues en si grande abondance dans
mes deux voyages antérieurs. Jusqu’aux îles du Cap
Yert, notre navigation n’offrit aucun incident remarquable.
Les deux équipages se portaient bien, seulement
la santé de M. Lemaistre Duparc, élève de première
classe sur l’Astrolabe, parti malade de Toulon,
loin de se rétablir, empire sensiblement, et il est menacé
d’une maladie de poitrine.
En outre, le 13 au soir, M. Jacquinot m’annonça
qu’un de ses matelots venait de tomber d’une vergue
sur le pont, et que le médecin ne pouvait pas encore
se prononcer sur les suites de cette chute.
Vers dix heures du matin, le point me plaçait à 15
à 18 milles à l’ouest de l’île Sant-Antonio, et j ’ai cru
distinguer la terre confusément à travers la brume ;
mais aucune pointe bien arrêtée. J ’en ai conclu que le
courant avait dû me porter au large, et l’observation
de midi a prouvé en effet qu’il y avait eu 8 milles de
courant en vingt-quatre heures à l’ouest.
Ayant substitué la relâche de Ténériffe à celle des îles
du Cap Yert, je passai tout franc devant ces dernières,
et ne songeai plus qu’à rallier le plus promptement
possible les régions australes.
La proximité des terres nous a valu la présence de
nombreux fous à manches de velours , de bandes
d’exocets et de beaux trigles aux nageoires azurées,
bondissant à la surface des eaux.
La chaleur commence à se faire sentir dans l’intérieur
du navire , et j ’établis mon domicile habituel
dans la petite chambre de la dunètte. Cette retraite
m’a été bien précieuse, et je ne crois pas que
j ’eusse résisté aux fatigues de ce voyage, si elle ne
m’avait offert un asile salutaire dans mes souffrances
habituelles.
Aujourd’hui nous avons perdu les vents alisés et les
grains ont commencé à nous assaillir. Il y en a d’assez
violents et accompagnés d’une pluie abondante. Dans
la journée suivante, la mer a été dure et saccadée ; les
lames courtes et irrégulières atteignaient quelquefois
5 ou 6 mètres de hauteur, sans mériter aucunement
d ’être remarquées pour leurs dimensions V