schooner destiné à la pêche des phoques. Des rives de
New-Yorck, le pauvre horloger fut transporté sur les
îles sauvages de la Terre de Feu, au sud du cap
Pillar. Suivant la coutume, il fut déposé sur une de
ces îles, avec sept de ses camarades et quelques provisions
pour faire la chasse aux phoques et préparer
leurs peaux. Trois ou quatre mois après, le schooner
revint, prit les peaux préparées et laissa les pêcheurs
avec de nouvelles provisions pour trois autres mois ;
mais cette fois le schooner ne revint pas.
Niederhauser attribuait cet abandon à ce que le
capitaine ayant fait une très-mauvaise pêche et se
trouvant au bout de ses vivres, s’en était retourné
aux Etats-Unis, sans s’occuper davantage des hommes
qu’il laissait derrière lui. Cette raison peut bien être la
vraie ; mais il est possible que le schooner ait péri, ou
bien encore que le capitaine ait abandonné ces hommes
uniquement pour n ’être pas obligé de leur
fournir leur part de peche, procédé assez commun
parmi ces aventuriers.
Quoi qu’il en so it, ces malheureux, après avoir
épuisé leurs provisions, montant leur canot, embou-
.querent le détroit par la partie de l’ouest, et après
diverses haltes, vinrent faire tête au milieu des sauvages
du havre Oazy. Six d’entre eux poursuivirent
leur navigation avec le canot; mais deux, Niederhauser
et un Anglais nommé Birdine, préférèrent rester
parmi les indigènes. Ceux-ci accueillirent leurs hôtes
avec une parfaite bienveillance, leur donnèrent des
femmes et partagèrent avec eux tout ce qu’ils avaient.
Niederhauser assure que jamais ils n ’eurent à se plaindre
d’aucun mauvais traitement. Tout ce qu’il possédait
, et même sa petite collection d’outils d’horloger
avait été respectée par les sauvages qui ne se permirent
pas la moindre dilapidation. Seulement les Patagons
raillaient quelquefois les Européens et les traitaient de
gourmands et dé paresseux, quand ils les voyaient se
plaindre de leur nourriture. En effet, quand la chasse
était bonne, la cuisine allait bien, et nos deux aventuriers
s’emplissaient l’estomac ; mais quand le mauvais
temps ou des localités stériles amenaient la disette,
il fallait souvent , durant plusieurs jours , ne
vivre que de racines fort insipides et très-peu nutritives.
Aussi nos deux gaillards paraissaient vraiment
exténués de misère et de privations ; si bien qu’ils
n ’espéraient pas pouvoir résister un mois dë plus à ce
triste genre de vie. Ils avaient vu passer nos navires
trois semaines auparavant, et c’étaient eux qui attisaient
le feu allumé près de la pointe Nuestra-Senora,
tandis que nous courions sur le cap Saint-Vincent. Ils
me supplièrent avec instance de les recevoir sur nos
corvettes et j ’y consentis. Niederhauser embarqua
comme passager sur Y Astrolabe et Birdine fut reçu au
même titre sur la Zélée.
Pendant les deux ou trois mois qu’il avait passé au
milieu des Patagons, Niederhauser avait acquis quelque
teinture de leur langage. Profitant de cette circonstance,
je me mis aussitôt à la besogne, et aidé du*
matelot Bàwr qui parlait l’allemand et de mon secré