1837. l’Océanie. Dans mes navigations précédentes, jamais
Décembre. , ,
la fortune ne m’avait donné le moyen de visiter les
rives de ce fameux canal, et je tenais beaucoup à satisfaire
ma curiosité. Je conviens facilement qu’après les
travaux continus et consciencieux du capitaine King,
nos résultats, sous le rapport hydrographique, n ’auraient
été que d’un intérêt secondaire; mais dans
toutes les parties de l’histoire naturelle, quelle récolte
curieuse et tout-à-fait neuve ! Quelle brillante scène
d’observations s’ouvrait à nos investigations ! N’était-
il pas curieux de vérifier, par nous-mêmes, ce qu’il y
avait de réel dans les périls affreux et sans cesse renaissants
de cette navigation, au dire des vieux navigateurs?
Enfin, je désirais vivement visiter ces fameux
Patagons, objets de tant de fables, de discussions et de
controverses.
Malgré toutes ces considérations bien susceptibles
sans doute de rendre pour moi le détroit de Magellan
un objet du plus haut intérêt, quand j ’acceptai la partie
de la mission relative aux glaces australes, je sentis,
sur-le-champ, qu’il me faudrait probablement faire le
sacrifice du détroit; je le craignis encore plus, quand
je vis notre départ différé jusqu’au 7 septembre. Aussi
j ’eus soin de prévenir le ministre que ce serait à la
terre des Etats que je ferais la station préparatoire ✓
pour me lancer dans les glaces. En effet, l’époque convenable
pour cette dernière navigation me paraissait
être de la mi-décembre au mois de mars, et c’était
aussi précisément l’époque où j’aurais dû me trouver
dans le détroit.
Toutefois je conservais encore quelque espoir au 1837-
, . Décembre
fond du coeur, pour le cas ou les vents in auraient bien
servi ; alors je pouvais réparer le temps perdu en me
trouvant au cap des Vierges vers la mi-décembre, et
dans cette hypothèse, j ’avais encore 45 jours à donner
aux terres magellaniques.
Mais les contrariétés que j ’avais éprouvées dans la
Méditerranée, aux environs de la ligne et dans ma traversée
depuis Rio-Janeiro, m’avaient forcé déjà à entamer
décembre. Malgré toute mon envie, j ’hésitais à
m’engager dans le détroit, dans la crainte d’y être
retenu plus que je ne l’aurais voulu, et de me trouver
trop pressé pour mon excursion vers le pôle Sud.
D’autre part, depuis une quinzaine de jours, j ’avais
relu, avec une extrême attention, tous les récits des
navigateurs qui avaient tenté des découvertes dans les
régions antarctiques. Tous leurs récits, toutes leurs
dépositions tendaient à me convaincre que les effets
du dégel ne deviennent vraiment complets dans ces
parages qu’en janvier et même février. Par conséquent,
toute tentative ayant uniquement pour but de
pénétrer directement au sud, devenait intempestive,
et n ’aurait d’autre résultat que d’exposer les marins à
des fatigues et à des dangers complètement inutiles.
Mieux valait donc les employer à des opérations plus
fructueuses, et qui offraient d’ailleurs la perspective
de leur procurer quelques rafraîchissements et surtout
quelques moments de distraction.
Une fois bien pénétré de ces idées, je ne songeai
plus qu’à rallier un port commode dans le canal, sur