pendus à 10 ou 12 mètres au-dessus des rochers maritimes, les
mains accrochées dans quelques creux de la roche , presque à
pic, sur les flancs de laquelle nous pouvions à grand’peine nous
tenir. Au bout d'un quart d’heure, après bien des difficultés,
nous arrivâmes à la pointe extrême ; de là, nous apercevions devant
nous d'abord l’île Nassau, a notre gauche ; les deux caps de
la baie de Bougainville ; et, plus loin, ce fameux cap Remarquable,
qui forme la baie de Bournand. Comme il est très-élevé, il ne
nous paraissait pas fort loin ; et l’idée de rapporter à bord un
chargement complet de fossiles, nous fit prendre subitement la résolution
d'y aller. Après avoir consulté nos provisions, qui consistaient
en trois petits pains, deux biscuits, un morceau de fromage
et une gourde pleine d’eau-de-vie, nous nous mîmes gaiement en
l’oute. D’abord cela n’allait pas mal : quoique nous fussions obligés
plusieurs fois de mettre les pieds dans l’eau pour franchir les
rochers des bords de la mer, le chemin était encore passable;
mais, arrivés à la pointe ouest de la bâie Bougainville, cela commença
à se compliquer terriblement : de grands arbres étaient
abattus dans la mer, et ils barraient complètement le passage.
Nous avions bien cherché à passer par le bois au-dessus, mais
c’était tout-à-fait à pic, et il fallut y renoncer. Alors, ne voyant
pas d’autres moyens, nous escaladâmes, en nous déchirant de
tous côtés, cette barrière de branches, marchant littéralement sur
des troncs et des branches d’arbres suspendus en l’air et divergeant
dans tous les sens. Il y avait près de quatre heures et demie
que nous marchions, l’air était passablement vif, et nos estomacs
commençaient terriblement à se sentir de certain besoin. Aussi,
rien ne nous arrêtait, et nous allions aussi vite que possible ; car
c’était au fond dé la baie Bougainville que noua comptions déjeûner,
sachant qu’il y avait Un ruisseau.
Nous arrivâmes enfin sur la plage, qui est remplie de gros cailloux
; nous y trouvâmes une grande plaque de fonte, couchée par
terre; nous la retournâmes pour voir s’il n’y avait pas d’inseription,
nous ne vîmes rien. Le lendemain, sur nos indications, des
canots qui allèrent au cap Remarquable la rapportèrent.
Dans un petit enfoncement , sous un j'oli et frais berceau d’arbres,
nous aperçûmes notre petit ruisseau fuyant dans les cailloux
du rivage ; son eau était d’un jaune rouge ; cependant elle
nous parut du nectar. Nous nous assîmes sur l’herbe, et nous étalâmes
nos provisions. Pendant dix m inutes, environ, on n’entendait
que le courant du ruisseau et le bruit expressif de nos mâchoires.
D ieu , le bel appétit ! nous ne nous donnions pas le temps de respirer.
Enfin, il fallut boire, car nous étouffions : un eôco nous
servit à mêler à l’onde pure du ruisseau ün peu d’eau-de-vie, et
je puis jurer que jamais boisson ne mé parut plus douce, plus
agréable. Notre premier feu s’étant tin peu apaisé, nous nous
mîmes à causer, tout en finissant notre modeste repas. Pendant
que le docteur arrangeait les plantes du matin, je chargeai tranquillement
ma pipe, et pour l’allumer dignement je mis le feu à
un coin du bois ; le soir il durait encore. Nous vîmes des traces
très-peu anciennes de la présence des bâtiments. Il y avait une
grande clairière dans le b o is, produite par une coupe. La baie
était très-petite : c’est plutôt une crique. L’entrée n’a pas un quart
de mille de large, mais elle est assez enfoncée, et le fond m’a paru
assez grand ; elle est entièrement entourée d’arbres, et nous remarquâmes
des troncs d’une dimension gigantesque, étendant au
loin sur l’esiu leur masse touffue de branches. Du reste, la baie
et tout le pays que nous avions parcouru et que nous parcourûmes
ensuite est formé par de hautes collines boisées qui tombent
brusquement à la mer. C’est probablement la partie du
détroit où la végétation est la plus vigoureuse et la plus riche« A
gauche, était un petit îlot boisé.
Il était onze heures, environ, quand nous nous remîmes en
route. Au bout d’un quart d’heure de marche, le chemin suivant
le bord de la mer devint tout-à-fait impraticable ; et voulant absolument
pousser de l’avant, nous nous décidâmes à couper dans