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sommet du Cap un groupe d’individus faisant signe de leurs mains,
en agitant quelque portion de leur vêtement. Le commandant
pensant que ces hommes pouvaient être des naufragés implorant
du secours, fit route pour se rapprocher du cap. Les signaux
continuèrent : mais arrivés à moins d’un mille du rivage, nous
vîmes distinctement cinq sauvages occupés à attiser le feu autour
duquel ils étaient grouppés, sans qu’ils parussent s’inquiéter
beaucoup de notre manoeuvre; quelquefois seulement, l’un d’eux
se levant faisait quelques pas en gesticulant, ou restait debout
à contempler la mer et les navires. Ces hommes semblaient vêtus
de peaux d’un rouge pareil à celui du guanaco. Cette sorte de
manteau était jetée sur les épaules, sans aucune façon ou
ajustement. L’un d’eux portait une espèce de jupon ou très-
large culotte de couleur claire, qui descendait jusqu’au genou.
Je n’ai pu distinguer les coiffures ni les armes qui pouvaient être
des lances, des javelots ou de simples bâtons. La Zélée aperçut
sur la rive opposée du goulet un cavalier qui serait un Patagon,
si la Zèlce n’avait pas comme nous pris un guanaco pour un
cavalier.
(M. Roquemaurel.)
Note 35, page 88.
A neuf heures et demie, le disque du soleil disparaissait
derrière les montagnes au S. O. du cap Negro. Mais ses dernières
lueurs coloraient encore l’horizon de la plus belle pourpre. Jamais
sous le ciel des tropiques, spectacle plus imposant ne s’offrit
à nos regards. Au dessus des terres, drapées d’un nuage noir,
s’élevait un immense cône enflammé. Son sommet touchait aux
montagnes ; sa base se perdait en rayons étincelants dans le firmament.
Des nuages d’un rouge sombre divisaient ce cône en
plusieurs zones dont la hauteur grandissait ou s’abaissait, suivant
les diverses périodes de ce vaste incendie. Il nous semblait voir
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des tourbillons de fumée s’élevant en bases horizontales au-dessus
du foyer de cet embrasement. Tantôt cette fumée stationnait au-
dessus du volcan comme un nuage noir; tantôt elle s’évanouissait
en vapeurs légères , d’une teinte bleuâtre ou violacée. Une
lave brûlante ruisselait du sommet du cône et sillonnait les nuages
et les montagnes. Mais bientôt les feux de ce volcan fantastique
s’éteignirent dans les cimes neigeuses de la Patagonie, qui
se couvrirent d’orages et de frimats.
Comme nous longions defort près la côte N. O. de l’île Elisabeth,
nous reçûmes une bouffée de fumée que nous supposâmes
venir des feux allumés sur la côte par les Pécherais. Le temps
était trop sombre pour qu’il nous fût possible de rien distinguer.
(ilf. Roquemaurel.)
Note 36, page 88.
A huit heures et demie, notre attention est attirée par le plus
beau coucher du soleil que j’aie encore vu. D’éclatantes couleurs
rouges de feu et dorées ressortaient sur les teintes plus pâles et
bistres de l’horizon. Une nuance insaisissable d’un violet plus ou
moins foncé aidait au reflet des plus brillants contrastes de la
lumière. Un immense incendie dans un temps calme, une gigantesque
éruption volcanique ne pouvaient donner qu’une faible
idée de ce magnifique spectacle. Longtemps nous avons pu suivre
les dégradations des belles couleurs pourpres qui entouraient la
place où le soleil avait disparu, comme autant de faisceaux partant
du même centre. A dix heures, on put encore voir les teintes
jaunâtres qui avaient succédé aux primitives splendeurs ; bien
avant dans la n u it , on aurait pu indiquer la place du coucher
par le pâle rayon qui y demeura longtemps fixé.
(JT. Desgraz.)