tout le port Famine, si cela n ’etait pas trop pénible,
et à tirer le meilleur , parti possible du temps que je
voulais consacrer au détroit, un mois environ.
Sur-le-champ, je mis le cap au S. 0 . â S. en forçant
de voiles, et fis préparer les ancres légères pour la
navigation du canal. Ces préparations donnèrent à
chacun l’éveil sur ma nouvelle résolution, et ce fut
le signal d’une joie universelle chez les officiers comme
chez les matelots.
Le soir, j ’appelai à l’ordre le capitaine Jacquinot
pour lui faire part de mes nouvelles intentions. Il m’en
témoigna toute sa satisfaction, assurant qu’il aurait,
toute sa vie, regretté de n ’avoir pu voir le célèbre
détroit, et que ce serait un des beaux épisodes du
voyage. En me voyant changer déroute, il avait cru,
ainsi que tous ses officiers, que je voulais chercher la
vigie de 1 Aigle, dont la position avait été marquée
précisément sur le point où nous nous trouvions en
ce moment. Je ne m en étais pas même occupé, bien
convaincu qu’un pareil écueil ne peut point se trouver
sur une route qui est sillonnée depuis plus de deux
siècles par tant de navires*.
Je comptais bien reconnaître la terre dans la soirée
puis m en trouver très—près le lendemain au point du
jour. La brise demeura si molle que nous ne pûmes
rien voir de certain, bien que la Zélée nous eût signalé
la vue de la terre droit de l’avant au S. 61° 0. à
7 heures du soir. Bientôt le vent fraîchit au N. N. 0 .,
et souffla bon frais par rafales et avec une mer sac- T *837, r Décembre,
cadée. A dix heures, je repris la bordée du large, et
au moment de Dévolution, la sonde donna 30 brasses
fond de sable et gravier.
Le vent ayant passé au n o rd , avec un ciel très- rechargé
et des grains de pluie assez fréquents, à une
heure et demie, je reprends la bordée de la terre; à
deux heures et demie, je fais forcer de voiles et nous
fdons jusqu’à 6 noeuds au travers d’une houle dure
et irrégulière. Au point du jour, je m’étonnai de ne
pas voir la terre ; et ce ne fut qu’à six heures que
nous la reconnûmes distinctement dans l’ouest, sous
l’apparence d’une côte basse, uniforme et coupée à pic
à son extrémité. C’était le cap des Vierges, et dès ce
moment ma manoeuvre devint tranquille et certaine.
Bientôt nous nous sommes trouvés à 5 ou 6 milles
seulement du c a p , et j ’ai gouverné pour passer à
très-petite distance de la pointe basse de Dungeness.
Il était alors sept heures vingt minutes, et M. Dumoulin
a, dès ce moment, commencé l’immense série
de travaux hydrographiques que je lui ménageais
pour toute la durée de l’expédition. En comparant nos
travaux faits à la voile, avec ceux du capitaine King, cela
nous donnerait la mesure du degré d’exactitude sur
lequel nous pourrions compter; en outre, j’étais bien
aise de préparer les états-majors des deux corvettes
au genre d’opérations qui constituait véritablement
notre mandat aux yeux de la marine.
Avant de nous engager dans le détroit, on me per