Cependant ils parvinrent à sortir du détroit dans là
nuit du 10 au 11 avril, et dans cette nuit même eut
lieu la séparation des navires, heureux accident pour
la géographie, puisqu’il en résulta la découverte de
plusieurs terres par le capitaine Carteret, terres que
ne vit point son commandant Wallis.
A la suite des voyages de ces célèbres navigateurs,
plusieurs navires anglais et américains ont encore dû
traverser le détroit de Magellan, surtout à une époque
assez récente, où l’abondance des phoques a dû attirer
au travers des canaux qui séparent la Terre de
Feu un grand nombre de navires affectés à cette pêche
; mais ces aventuriers ne nous ont laissé aucune
trace authentique de leurs excursions. Toutes les expéditions
de découvertes, pour éviter une perte de
temps considérable, doublaient le cap Horn, et le détroit
de Magellan était pour ainsi dire oublié.
Enfin le gouvernement anglais se décida à faire
exécuter l’exploration des terres Magellaniques. Le
capitaine King commença ce travail en 1826 et y consacra
plusieurs années. Cette tâche fut poursuivie par
le capitaine Fitz-Roy, qui la termina en 1834. Les
opérations de ces deux capitaines produisirent une
suite de cartes, qui donnent de la manière la plus
détaillée et la plus satisfaisante la configuration de
cette multitude d îles, d’ilots et de canaux, qui découpent
la pointe méridionale de l’Amérique. J’avais pu
emporter avec moi les cartes du capitaine King, dont
j ’ai été à même de vérifier toute l’exactitude. Celles
du capitaine Fitz-Roy n ’étaient point encore terminées.
CHAPITRE VI.
Navigation depuis l’entrée du détroit de Magellan jusqu’au Port-
Famine.
Vers huit h eu res, nous passions à un mille au plus
de cette longue plage basse que les premiers navigateurs
anglais nommèrent Dungeness, par analogie avec
une plage d’un aspect semblable près de Douvres. C’est
une pointe élevée de trois mètres au plus au-dessus du
niveau des basses eaux , qui se détache brusquement
des falaises escarpées de la côte, et qu’on n ’aperçoit
de loin qu’à la nappe d’argent formée par les flots déferlant
sur ses bords quand la mer est grosse.
Sur la pointe même, je remarquai de grosses masses
noirâtres que je pris d’abord pour des rochers;
mais la longue vue m’y montra distinctement un
troupeau de phoques de grande taille, qui nous regardaient
passer d’un air stupide ; et bientôt le vent nous
apporta quelques-uns de leurs hurlements. De nombreuses
bandes d’albatros et de pétrels voltigeaient ou
I . 6
1837.
décembre.