tint longtemps avec moi des efforts qui avaient été
dirigés vers les glaces de l’hémisphère austral, et des
résultats qui avaient été obtenus jusqu’à cette époque.
Le roi suivit attentivement ces détails sur une petite
carte des régions circumpolaires que j ’avais eu soin
dapporter, afin de lui rendre mes explications plus
faciles à comprendre. Comme je prenais congé de lui
il me renouvela l’assurance de l’intérêt qu’il prenait à
notre campagne, et des voeux qu’il faisait pour sa
réussite.
Je n’eus pas autant de sujets de satisfaction de la
part d’une société à l’appui de laquelle je croyais pourtant
avoir quelques titres. Depuis près de vingt années
, je n’avais cessé de travailler pour l’accroissement
des richesses du Muséum d’histoire naturelle. Au retour
de chacun de mes voyages, j ’avais versé entre les
mains de ses administrateurs toutes les collections que
j avais recueillies, et la plupart de ces savants faisaient
partie de l’académie des sciences. A ma demande , le
ministre voulut bién inviter cette société à rédiger des
instructions pour le voyage de XAstrolabe et de la
Zelee. Des causes particulières, dont il est inutile
d’entretenir le lecteur, m’avaient mis au plus mal dans
1 esprit du chef de la section des mathématiques , aussi
j attendais peu d encouragement de ce côté ; mais je
INTRODUCTION. LXXY
croyais pouvoir au moins compter sur les membres de
la section d’histoire naturelle. Cet espoir fut trahi.
Soit esprit de corps, soft préventions défavorables
contre moi, ils montrèrent peu d’empressement pour
l’expédition qui se préparait, et les termes dans lesquels
furent conçues leurs instructions, furent pour le
moins aussi froids qu’ils eussent pu les employer vis-
à-vis d’une personne qui leur eût été complètement
étrangère.
Heureusement, en acceptant la mission périlleuse
que le roi m’avait confiée , je n’avais consulté que ma
propre énergie, ét le désir unique de payer encore
une dernière fois mon tribut au progrès des sciences,
sans la moindre arrière-pensée de profit matériel. Une
voix intérieure, un puissant pressentiment me criait
que, tant que je vivrais, je parviendrais à surmonter
tous les obstacles, par une volonté ferme et inébranlable.
Dans le cas contraire, si je succombais, ce serait
au moins honorablement, et ma mémoire serait
encore respectée. Bien pénétré de cette idée, je résolus
de m’abandonner en toute confiance à ma destinée,
sans prendre aucun souci des entraves que je pouvais,
rencontrer sur ma route. Au reste, je dois dire que
l’académie des sciences morales et politiques et la société
de géographie de Paris en agirent tout autrement.