avaient la figure moins belle, ce dont je n’ai pas pu bien juger, a
cause de la crasse qui les couvre et de la couleur ocreuse dont elles
se barbouillent le visage. Une ou plusieurs peaux cousues ensembles
composaient leurs vêtements ; jetées sur leurs épaules,
une ceinture les retient au milieu de leur corps. Un bandeau en
peau autour de la tête tient leurs cheveux noirs, qu’ils portent
longs et flottants. Des bas en peau reçoivent leurs pieds; deux
morceaux de bois armés d’une petite pointe en fer, et réunis par
des lanières en cuir qui s’attachent sur le sommet du pied, leur
servent d’éperons. L’intérieur de leur manteau est peint en petits
carreaux rouges, de forme irrégulière. Les hommes, dans leur
costume de guerre, se couvrent la tête d’un casque en cuir très-
fort et à larges bords, qui quelquefois est embelli par des ornements
en cuivre. Leurs armes sont lare et les lassos, qui sont
composés de trois lanières en cuir armées de pierres rondes a leur
extrémité. La chasse est la seule occupation des hommes, et la
seule nourriture des naturels, avec quelques coquillages. Le pays
est riche en guanaques, autruches, lièvres et renards : aussi devient
il facile aux habitants de les poursuivre avec leurs chevaux,
de les embarrasser avec leurs lassos, qu’ils lancent avec adresse,
pour les assommer ensuite. Les hommes étant dans l’habitude de
s’épiler, il serait très-difficile de les reconnaître des femmes si ces
dernières ne portaient les cheveux en tresses, le costume étant le
même pour les deux sexes. Ces peuples sont phthirophages, et
paraissent aimer beaucoup le tabac, l’eau-de-vie et les liqueurs
fortes ; ils sont doux et hospitaliers, je n’ai rien observé qui pût
me permettre de dire quelque chose de leurs moeurs ou de leurs
croyances religieuses; cependant ils ont des idoles qu’ils cachent
avec grand soin. Je ne sais si les Patagons célèbrent le mariage, ni
même s’il existe à cette occasion quelques cérémonies ; je les crois
polygames : d’ailleurs ils ne paraissent nullement jaloux de leurs
femmes. ■
(M. Gervaize.)
Note 7 4 , page i5 i .
Plusieurs naturels vinrent à bord ; les relations que nous eûmes
avec eux furent amicales, mais, pour débrouiller le chaos de leur
civilisation morale et religieuse, il aurait fallu rester davantage
au milieu d’eux, et surtout se résoudre à vivre avec eux. C’est une
belle race d’hommes pour la construction et la structure du corps.
Moins grands cependant que les Patagons de Bougainville et des
autres navigateurs, qui, je crois, avaient l’habitude d’exagérer un
peu les choses, ils sont d’une haute stature relativement à nous ;
et je pense qu’en fixant leur taille moyenne à 5 pieds 6 pouces, je
ne m’écarterai pas beaucoup de la vérité.
Chasseurs et cavaliers, ces hommes n’ont pas senti encore le
besoin de se réunir en nation et d’élever des villes ; ils vivent avec
leurs chiens, leurs chevaux, qui sont leurs seules richesses. Aujourd’hui
ici, demain là, ils plantent leurs tentes dans les vallées
qui leur offrent les ressources de la chasse et la facilité d’avoir de
l’eau et du bois.
Leur principale nourriture est la chair de guanaco, animal
qui a quelques rapports avec les daims de nos contrées. Ils en
mangent la chair rôtie, n’employant en guise de pain qu’une
espèce de racine blanche dont j’ignore et le nom et les propriétés,
mais qui ressemble assez à celle de la guimauve.
Les deux matelots que nous avons recueillis à bord ont dépeint
les Patagons comme des hommes bons et hospitaliers. Ils ne portent
du reste sur leurs traits aucun caractère de férocité.
Ont-ils un culte, ou n’en ont-ils pas? C’est une question que
nous n’avons pas pu résoudre, à cause du court séjour que nous
avons fait parmi eux. Il nous est bien revenu qu’ils adoraient-le
soleil et le feu ; mais ce serait, je crois, s’avancer un peu trop qué
d’établir un système sur les propos décousus de gens intéressés à
avoir quelque chose d’extraordinaire à nous raconter.