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d’en obtenir les faveurs pour quelques bagatelles. Les maris paraissaient
très-disposés à céder leurs droits et firent même des
propositions auxquelles il était difficile de se méprendre.
(A f. Jacquiriot.y
Note 66, page i 5 i .
Noiis répondîmes à l’empressement qu’ils nous témoignaient de
communiquer, en nous y rendant aussitôt dans les deux grands
canots des deux corvettes armés de fusils, car cette précaution est
toujours bonne à prendre, quand on va chez les nations sauvages.
A peine avions nous touché le rivage, que plusieurs Patagons
descendirent de cheval , vinrent au-devant de nous et nous
accueillirent de la manière la plus aimable. A notre grande Surprise,
nous reconnûmes parmi eux, sous un costume de peaux
taillées d’une manière différente, deux Européens qui, malgré lés
traces de la misère qu’ils portaient sur leurs figures, avaient
encore assez conservé les traits de leurs race, pour qu’on ne pût
pas s’y méprendre ; nous les prîmes d’abord pour des pécheurs ou
des naufragés ; l’un d’eux qui vint au-devant de nous, nous apprit
qu’il appartenait à l’équipage de la goélette des Etats-Unis VAnna-
Howard de New-London, et qu’il avait été mis à terre avec son
compagnon, il y a trois mois, sur l’île Graves avec une chaloupe
et des vivres; manquant de provisions, et ne voyant plus revenir
leur bâtiment, ils étaient entrés dans le détroit, et ne voulant pas
courir avec leurs autres compagnons , les chances de mourir de
faim ou de se noyer en cherchant à gagner Rio-Négro avec leur
barque, ils s’étaient fait débarquer au milieu de celte tribu, chez
laquelle ils avaient reçu un asile et l’hospitalité qui leur avait
sauvé la vie. Celui-ci nous dit s’appeller Lawrence Smith Brimi-
dine et être Anglais de naissance, et l’autre déclara se nommer
Niederhauser, être né en Suisse ou il exerçait la profession
d’horloger. Cet état a bien peu de rapport avec celui qu’il remplissait
à bord de la goélette, et nous aurait portés à douter de la
vérité de lèur assertion , si nous n’avions su de combien d’aventuriers
se remontent les navires qui se livrent à la pêche des phoques.
Quoi de plus aventureux en effet que la vie de ces hommes,
qu’un navire en cours de pêche dans les parages des mers Australes
dépose sur les différentes îles avec des vivres et des instruments
de pêche, pour venir les reprendre ensuite à son retour; à
moins, ce qui n’arive que trop souvent, que les tempêtes et les
chances de la mer ne le mettent dans l’impossibilité de le faire.
Quoi q u ’il en fût, nos deux prétendus pêcheurs nous parurent
bien fatigués du régime des Patagons, et nous supplièrent en
grâce deles prendre sur nos corvettes. Comme cela ne dépendait
pas de nous, nous en envoyâmes un plaider sa cause auprès du
commandant d’Urville , et laissâmes embarquer en même temps
quelques Patagons qui nous en témoignèrent ardemment le désir :
c’était: au besoin autant d’otages que nous avions, quoique rien
ne semblât en indiquer l’utilité. Au bout dé peu de temps, nous
fumes entourés de tous les autres qui s’empressèrent d’échanger
avec nous des plumes d’autruches, des peaux, des flèches, contre
des colliers, des couteaux que chacun de nous avait apportés,
mais tous montraient généralement de la préférence pour le biscuit.
La tribu ne tarda pas à être toute réunie, et les femmes
s’acquittèrent alors de leurs fonctions, en plantant leurs tentes à
l’abri du petit monticule que forme le sommet du cap où nous
étions débarqués. Nous vîmes s’élever alors un petit village formé
d’une vingtaine de tentes, rangées sur deux lignes. Chacune de
ces tentes se composait d’une demi-douzaine de pieux plantés en
rond qui soutenaient une grande toile faite de peaux cousues ensemble
, et formait ainsi une espèce de hutte, qu’on avait orientée
de manière à ce que l’ouverture, quijoccupe près du tiers de la
cironférence, fût à l’abri du vent régnant. Sur un pieu placé en
travers de cette porte pour la consolider, on voyait suspendus les