solennel sur des affaires d’une importance générale.
Quoi qu’il en soit, c’est une esplanade naturelle, située
sur le penchant de la montagne, entourée dans
une partie de son pourtour d’énormes rochers, et na-
guères entièrement ombragée par des arbres de très-
grande dimension. En effet, d’après les troncs qui
restent au ras du sol, on peut juger qu’il y en avait de
six ou sept mètres de circonférence, Là s’étaient conservés
les plus grands arbres de l’île , mais l’ouragan
qui fit tant de ravages àTénériffe en 1825, n ’en respecta
pas un seul. Cet ouragan a laissé une telle impression
dans l’âme des habitants, que quand je voulus
les faire interroger par le consul touchant cet événement
, ils se contentèrent de lui répondre d’un air
dolent et consterné : C’est le diable qui a fait cela.
Probablement les Guancbes auraient tout aussi bien
répondu.
Près de cette terrasse , un nouveau ruisseau descend
de cascade en cascade , traverse l’esplanade e t
s échappé au travers du bois pour aller se réunir aux
deux autres et former le volume complet des eaux de
l’aquéduc.
En y regardant de p rè s , je découvris dans un coin
du Llana un fragment informe de muraille en pierre
seche, et je questionnai M. Bretillard sur son origine et
son emploi. Il ne put me donner aucune réponse.
Mais comme cet endroit est assez éloigné de toute habitation,
même de toute culture, et que l’aspect des
lieux ne permet guère de supposer qu’il y en ait jamais
eu, cette construction informe, selon toute apparence,
ne peut point s’attribuer aux Espagnols.
J’aurais donc été naturellement conduit à la considérer
comme une oeuvre des anciens Guanches qui
l’auraient élevée pour enceindre un lieu sacré destiné
à des réunions solennelles, si M. Berthelot, qui a
donné un excellent travail sur l’histoire des Canaries,
ne m’eût assuré qu’il ne connaissait dans toute l’île de
Ténériffe aucune construction bien authentique des
anciens indigènes. Quoi qu’il en soit, on ne saurait
trop insister sur la ressemblance parfaite de ces murs
grossiers avec ceux qu’on pourrait trouver à Tcüti,
Tonga-Tàbou, NouJca-hiva et Ualan, etc.
J’avais à peu près passé en revue tout ce que la
forêt de Jus Mercedes pouvait offrir à ma curiosité;
aussi nous redescendîmes à la casita de don Mathias où
nous fîmes une seconde halte. De ce site on jouit d’une
vue ravissante de la vallée entière de Laguna, des montagnes
environnantes et même du pic tout entier, dont
la masse s’élève majestueusement au travers de tout
cet amas de sommets qui, près de lui, ne semblent que
des monticules insignifiants. L’air était si pur, que si
nous avions eu des longues vues, nous aurions pu distinguer
nos voyageurs sur la crête du Pain de sucre.
Des marchands de glace que nous avons rencontrés sur
la route de Laguna à Santa-Cruz, arrivant du pic, nous
ont appris qu’ils avaient vu hier au soir mes compagnons
à Estancia, et qu’ils avaient dû gravir ce matin
le sommet du piton.
A cinq heures trente-cinq minùtes je rentrai à bord
assez fatigué de ma journée, moins cependant que je