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Septembre. Là, nous fûmes surpris par le calme qui nous ramena
à vue d’oeil dans l’est. Mais de midi à trois heures
un heureux retour de marée nous renvoya à cinq ou
six milles dans le S. 0 ., de sorte que nous n’étions
plus qu’à deux milles environ de la côte à l’ouest de
Tanger. A trois heures une petite brise de N. N. 0 . qui
survint, me permit de virer vent arrière et de m’éloi-
gner de terre; plus heureux que M. Jacquinot, qui
voulant virer vent devant, manqua, et fut rapidement
drossé par le courant contre terre. Il fut même obligé
de mettre un canot à la mer pour se tirer de cette
mauvaise position.
Le vent passa ensuite à 10. S. 0 . assez frais, et nous
fûmes obligés de courir des bordées pour doubler le
cap Spartel, encore n ’en vînmes-nous à bout que le
jour suivant vers trois heures du matin, et grâce à ce
que le vent passa à l’O. N. 0.
C’est alors que je me félicitai vivement d’avoir donné
dans le détroit la nuit précédente. Si j ’avais attendu
au jour, le calme me surprenait, puis les vents d’ouest,
et j ’en avais peut-être pour plusieurs jours d’efforts
inutiles. Une fâcheuse expérience m’avait appris, en
1S26, combien ces retards pouvaient se prolonger.
J’étais déjà bien arriéré pour la saison, et un contretemps
semblable ruinait peut-être tous mes projets.
Une fois lancés dans l’océan, nos bordées devinrent
plus aisées. Mais la mer fut plus grosse, et la température
baissa d’une manière si rapide que chacun fut
obligé d’avoir recours aux effets d’hiver. Les terres
n’étaient plus là pour nous renvoyer leur chaleur.
Ce jour nous commençâmes, M. Dumoulin et moi,
à nous occuper de mesurer la hauteur des principales
lames, d’après le procédé que j ’employais dans mon
dernier voyage; c’est-à-dire en nous élevant à une
hauteur suffisante pour mettre sur une même ligne
notre oeil, le sommet de la vague la plus voisine et
l’horizon. Nous trouvâmes l’un et l’autre, chacun de
notre côté , cinq mètres; et cependant ces lames
étaient de celles auxquelles on fait à peine attention
dans les navigations à travers l’océan *.
Chacune des corvettes avait été pourvue d’une assez
bonne quantité de viandes préparées par le nouveau
procédé de Noel et Taboureau. De nombreux éloges
avaient été accordés à ces préparations, leurs auteurs
étaient déjà proclamés les bienfaiteurs de l’humanité ,
et on n ’aspirait à rien moins qu’à substituer en entier
ce système aux salaisons habituelles de la marine. En
effet, les expériences tentées à Toulon avaient parfaitement
réussi. Presque tous ceux qui avaient goûté
de ces viandes les avaient trouvées supérieures aux
viandes salées, et quelques-uns plus enthousiastes les
avaient jugées tout aussi bonnes que les viandes
fraîches.
Pour moi, toujours défiant à l’égard de ces innovations
tant prônées à l’avance, pour avoir vu le plus souvent
leurs résulats avorter complètement dans la pratique
, je m’étais abstenu, et je voulais attendre que
l’expérience vînt justifier les espérances conçues au