brûle sa tente, on tue ses chevaux, mais on fait paraître moins de
douleur que pour la mort d’un homme.
Lorsqu’un Indien a quelque griefs contre un v o isin , il lui
porte un défi : tous deux vont endosser le costume de guerre qui
se compose d’un manteau fait de la peau la plus épaisse du guana-
que, d’un chapeau ou casque garni de lames de cuivre et orné
d’un plumet. Ils se rendent alors sur le lieu désigné pour le combat,
et là le sabre au poing, ils combattent quelquefois pendant
une demi-heure, se portant coup pour coup, jusqu’à ce que l’un
des deux reste sur la place. Le vainqueur est porté aux n u e s,
tandis que le vaincu est traité de lâche ; on se contente de 1 enterrer
sans aucune cérémonie, enveloppé dans son manteau. C’est la ce
qu’ils appellent le combat singulier. Si une-tribu a à se plaindre
d’une autre trib u , elle lui envoie un défi, et s’il est accepté,
ils montent à cheval et entrent une centaine à la fois dans la
lice. I
Dès que sur ce nombre, un seul a été tué et un ou deux blessés,
le reste prend la fuite, et le lendemain, les deux tribus traitent de
la paix, en se donnant une fête, et s’ofïrent en cadeaux des chevaux,
des objets en cuivre, des manteaux, etc. Les femmes assistent
au combat armées debâtons, mais comme les hommes ontun
grand goût pour le sexe, ils ne les combattent qu’un instant, sans
jamais chercher à les tuer, et ils finissent toujours par se séparer
bons amis. Le lendemain de la conclusion de la paix, les deux
tribus font une chasse générale dans laquelle elles prennent souvent
une centaine de guanaques qu’ils se partagent.
La tribuque nous rencontrâmes comptait, il y a peu de temps,
vingt-un médecins, et aujourd’hui il n’en reste aucun, tous
ayant été tués. Ils faisaient mourir tous les malades dont ils avaient
à se plaindre et ne savaient guérir les autres que souvent dame nature
tirait de peine. Après avoir ainsi fait périr plus de deux een ts
individus de tout sexe et de tout âge, les autres ouvrirent les
yeux et les massacrèrent l’un après 1 autre. Le dernier avait été tué
peu de jours avant notre arrivée par le chef lui-même, qui l’appela
en combat singulier et le perça de sa lance.
Les Patagons croient en un Dieu qui, selon eux, habite les Andes
ou vont les morts, comme je l’ai déjà dit. Ils ont une très-grande
peur du tonnerre qu’ils croient être la manifestation de la colère
de Dieu, et lorsqu’il se fait entendre, ils se mettent en prière hors
de leurs tentes, conjurant Dieu d e s’apaiser, et promettant de devenir
meilleurs, mais dès que l’orage estpassé,ils ne songent plus
à leurs promesses.
Ce peuple est d’une saleté révoltante. Tous sont couverts de
vermine dont ils sont du reste fort friands. Pour la trouver ils
battent leurs manteaux ou autres peaux avec un bâton, et dès
qu’elle en sort ils la dévorent avec avidité. Chacun de nous a été
à chaque instant témoin de ce dégoûtant spectacle, et j’avoue que
je ne crois pas que j’aie jamais rien vu de plus révoltant que tous
ces gens, hommes et femmes, recherchant avec soin ce que nous
regardons et fuyons avec tant d’horreur !....
ÇM. Montravel.')
Note 7 6 , page i 5 2 .
Le roi patagon ou capitaine Congrey, comme on l’appelle indifféremment
j a pour véritable nom celui de Wishel. Il est encore
jeune, et mesure im,87 de taille. II ne porte pas d’ornements
en verroterie comme nos visiteurs d’hier, mais son manteau
est en revanche beaucoup plus beau. Il est formé de peaux noires
et blanches d’un poil assez fin. S. M. a roulé une grande partie
du matin dans l’entrepont en donnant audience à l’équipage ; elle
semblait sentir qu’elle était avec des gens d’une condition inférieure,
car elle demandait à chaque instant le capitaine. Enlevé
bientôt à sa popularité, le capitaine Congrey vint s’attabler au
carré, buvant du thé et de l’eau-de vie comme un véritable Anglais.
Il ne cessa pas de tenir un rouleau de belles plumes d’au