1887- éauipage. En véritables étourdis, ils tombèrent à Octobre. ^ 1 0
corps perdu sur le vin fortement alcoolisé du pays;
la plupart firent des libations si abondantes qu’ils
perdirent la faible dose de raison dont ils avaient été
doués par la nature. Une fois dans cet é ta t, suivant
la louable coutume des Français, ils allèrent chercher
querelle aux habitants de la ville; le guet intervint et
quelques-uns furent logés en prison où il fallut aller
les réclamer. D’autres à bord oublièrent les lois de
la discipline. Il en résulta que je donnai l’ordre de consigner
sur leurs navires respectifs les deux équipages
pour toute la durée de la relâche; me réservant de
les en dédommager en des lieux où le jus de la vigne
ne serait pas là pour leur faire oublier leurs devoirs*.
5. M. Dumoutier avait entendu dire en ville qu’en
des grottes situées à quelque distance de Santa-
Cruz, il pourrait encore trouver les froides reliques
des anciens Guanches; un habitant même s’était offert
à lui servir de guide. Pouvoir conquérir quelque crâne
de Guanche, c’en était assez pour faire courir notre
ardent phrénologiste au bout du monde. Il me demanda
la permission de s’absenter pour deux jours,
et j ’y consentis très-volontiers. Je lui accordai même
un bout de corde pour se laisser glisser le long des
précipices où ces grottes sont situées.
Sur les trois heures de l’après-midi, malgré la
grosse houle qui rend très-difficile et même périlleux
le débarcadère du môle, je descends à terre. M. Bre-
* Notes i3 et
I
tiHard me conduit d’abord au cabinet de curiosités
que j ’avais déjà visité en 1826. Je désirais cette fois
examiner plus en détail ces débris de l’ancienne industrie
des indigènes pour mes études ethnographiques
, mais la maison était Complètement fermée.
Ayant témoigné le désir de visiter un des beaux jardins
du pays, afin d’avoir quelque idée du génie des
habitants en horticulture, M. Bretillard me conduisit
à celui du capitaine du port qui se trouva fermé.
Alors nous nous rabattîmes sur celui de M. Mangri,
qui avait aussi sa renommée dans le pays. M. Mangri,
ancien secrétaire de la municipalité sous le régime
absolu, s’était signalé par des opininions exagérées
qui lui avaient fait nombre d’ennemis dans la faction
opposée. Aussi quand la constitution fut proclamée
de nouveau, sa maison fut assaillie à coups de pierre,
et pour sa propre sûreté il fut longtemps obligé de
se cacher. Il n ’y avait que quelques mois qu’il commençait
à se remontrer, et il passait presque tout son
temps dans son jardin. Sans doute celui-ci avaiî dû
souffrir de l’absence forcée de son maître ; cependant
il est facile de juger que même aux jours de sa prospérité,
c’était fort peu de chose. C’était tout simplement
un enclos à peine d’un arpent de surface entouré
d’un mauvais mur. Au dedans régnait, tout le
long de ce mur, une chétive tonnelle, et dans le milieu
s’élevaient sans ordre et clair-semés, quelques bananiers,
papayers, mangoustans, manguiers et figuiers,
etc., d’un aspect misérable. Une plantation de millet
complétait ces tristes cultures. Tout cela était bien