ordres qu il envoyait de Paris, je commençais à craindre
de ne pouvoir partir à l’époque désignée. Comme
aucune raison majeure ne me retenait plus à Paris, je
pris le parti de quitter cette ville pour rejoindre le
port, afin d activer par moi-même l’armement de nos
navires. A ce motif, assez puissant par lui-même, se
joignait le désir de passer le peu de temps qui me restait
, près de ma femme et de mes enfants.
A mon arrivée à Toulon , le 3 juin, je trouvai la besogne
des navires bien peu avancée, et j ’employai
tous les moyens en mon pouvoir pour lafaire marcher
plus vite. Le préfet maritime, M. le vice-amiral Jurien,
était porté de bonne volonté pour notre expédition et
aurait bien voulu seconder mes désirs. Malheureusement
le vaisseau XHercule et la corvette la Favorite ,
destinés à transporter le prince de Joinville au Brésil,
absorbaient toutes les ressources de l’arsenal, et force
me fut de prendre patience.
Toutefois, la Zélée entra en armement le 8 juin et
XAstrolabe le i 3 dü même mois. On travailla sur-le-
champ et sans discontinuer à l’armement. Mais cela
ne put marcher que très-lentement. La présence des
ouvriers à bord gênait beaucoup les travaux et nous
avions peu de bras. La direction du port-ne pouvait
pas nous en fournir, car elle était obligée de subvenir
INTRODUCTION. Lxxix
à d’autres besoins. Notre équipage ne se formait qu’avec
beaucoup de lenteur, attendu qu’on comptait sur
l’arrivée de matelots expédiés du nord par la flûte la
Dordogne, et qu’on ne voulait point me permettre
d’en prendre sur les vaisseaux alors en rade, où j'aurais
pu trouver une foule de sujets de bonne volonté.
Tout le mois de juin s’écoule, celui de juillet le suit,
et les travaux sont loin de marcher à mon gré. Cependant
chaque jour je me rends à bord et parcours
tous les ateliers pour presser les ouvriers. Ces démarches
me coûtent d’autant plus, que je souffre encore
vivement d’un long et pénible accès de goutte, et que
durant ces deux mois, mes courses en ville et dans l’arsenal,
ont heu sous un ciel embrasé de tous les feux du
midi. Heureusement, je suis bien secondé et tous les
officiers et maîtres développent, chacun dans leur
sphère, un zèle et une activité merveilleuse. Les récriminations
fâcheuses dirigées contre l’intérêt de la campagne
et sa réussite future, n’ont fait qu’exalter leur
enthousiasme, et la plus grande punition qu’on eût pu
leur infliger, eût été de leur donner une autre destination
, quelques avantages qu’ils eussent pu en attendre.
Enfin, la Dordogne arrive sur la fin de juillet. Le
1er août, assisté de MM. Jacquinot, Dubouzet et Ro