PI. II.
nombreuses de céleri dont ces plages sont pourvues,
ainsi qu’une sorte de petite composée, analogue au
pissenlit pour la forme et le goût, dont je me composerai
d’excellente salade. Nous vîmes aussi un site
très-convenable pour établir l’observatoire, abrité par
une petite colline contre les vents les plus violents.
Cet examen terminé, je me dirigeai vers deux
poteaux situés au sommet de la presqu’île , qui, du
mouillage, avaient attiré mes regards. Je grimpai au
travers de broussailles épaisses, et parvenu auprès
de ces poteaux, sur le plus grand, je pus lire , une inscription
détaillée portant qu’il avait été élevé par le
capitaine King, à la mémoire de son master Ainsworth,
et de deux matelots noyés dans une embarcation qui
avait chaviré dans le port San-Antonio; l ’autre poteau
annonçait que le capitaine Dugué, du navire le
Havre, du Havre, avait passé ici en 1834. Sur des
troncs d’arbre, on pouvait lire encore les noms de
quelques autres navires*.
A la vue de la charmante végétation qui m’entourait
et qui se trouvait alors dans tout son luxe, je ne
pus résister au désir de prélever un tribut sur cette
jolie flore. Je savais que les échantillons magellani-
ques étaient encore bien rares dans les herbiers de
l’Europe; c’était un point de comparaison curieux à
établir avec la flore des Malouines que j ’avais publiée
en 1825 : enfin cette occupation allait ajouter un nouvel
intérêt aux excursions que je me proposais d’exécuter
dans les forêts d’alentour. Du reste, je ne me
proposais d herboriser qu’en simple amateur, et je
ne voulais nullement empiéter sur les droits de
MM. Ilombron et Jacquinot, que j ’avais spécialement
chargés de ce genre de recherches.
Comme j ’allais me rembarquer, vers huit heures
du soir, mon patron me remit un petit baril qu’on
avait trouvé suspendu à un arbre de la plage, tandis
qu’on avait lu sur un poteau voisin l’inscription postoffice.
Ayant reconnu qu’il contenait des papiers, je
le transportai a bord et pris connaissance des diverses
pièces qu’il renfermait. C’étaient des notes des capitaines
qui avaient passé par le détroit, sur l’époque de
leur passage, les circonstances de leur traversée,
quelques avis à leurs successeurs, et des lettres pour
1 Europe ou les États-Unis. Il paraît que la première
idée de ce bureau de poste en plein vent fut due au
capitaine américain Cunningham, qui se servit tout
simplement d’une bouteille suspendue à un arbre, en
avril 1833; son compatriote Water-House y ajouta,
en mars 1835, l’utile complément du poteau avec
1 inscription. Enfin , le capitaine anglais Carrick,
commandant le shooner Mary-Ann, de Liverpool,
passa par le détroit en mars 1837, allant à San-Blas
de Californie : il y passa encore à son retour, le 29
novembre 1837, c’est-à-dire seize jours avant nous,
et c’est lui qui avait substitué le baril à la bouteille,
avec invitation a ses successeurs d’en faire usage pour
les lettres qu ils voudraient faire4 parvenir à leurs diverses
destinations.