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grand chef de la tribu établie près de nous. C’est
un bel homme de 30 à 36 ans, porteur d’une figure
douce et bonne, et affublé comme ses sujets d’un
manteau de peau et d’un tablier. M. Dumoutier,
partageant l’illusion commune, l’avait cru bien plus
grand que moi; mais une mesure exacte le désabusa
en lui prouvant que le sauvage avait au contraire 7
ou 8 millimètres de moins.
M. Kongre m’a instamment demandé la faveur
d amener sa femme à bord, ce que je lui ai accordé
en lui donnant un beau couteau qui lui a fait grand
plaisir, puis il est redescendu à terre dans le canot qui
y a conduit les officiers *.
Au même moment, j ’ai expédié le grand canot de
la Zélée avec MM. de Montravel et Dumoulin, pour
faire la géographie des baies Gente-Grande et Lee-
bay; il s’agit surtout de fixer les doutes relatifs à une
prétendue communication de la baie Gente-Grande
avec le bassin de Saint-Philippe, au moyen d’un canal
étroit. Cette mission devait durer trois jours environ
et terminait avec honneur la série de nos travaux
dans ces parages, sans compter qu’elle pouvait procurer
à ces deux officiers une entrevue avec les Pécherais.
Le grand canot, en rentrant à bord, amena trois
nouveaux indigènes ; l’un d’e u x , frère du chef
Kongre, était un jeune garçon de 18 à 20 ans, haut
de l m,760 environ, parfaitement bien proportionné
* Note 76.
et d’une figure douce et agréable, d’un maintien
décent.
Le second était un Banian qui paraissait très-bien
connaître le commerce , car il apportait des peaux
qu’il eut soin de placer d’une manière très-lucrative.
Cependant, il finit par devenir si exigeant, que personne
ne voulut plus de sa marchandise ; pour une
méchante petite peau, il demanda jusqu’à un sac entier
de biscuit.
. Le troisième était un individu de petite taille, étiolé,
rabougri, la figure toute barbouillée de suie, et qui ne
souffla pas un seul mot. On ne put savoir si c’était
un homme ou une femme, tant sa tournure semblait
hétéroclite.
Vers une heure après midi, le vent ayant enfin
cessé, bien que le temps fût encore très-couvert, le
capitaine Jacquinot et moi nous descendîmes à terre
devant le camp des Patagons établi sur la pointe N'.
du hâvre Peckett. Ce camp est tout simplement composé
de tentes de peaux, soutenues sur des pièces de
bois, au nombre de trente ou quarante, et placées
sur deux rangs ; chaque tente paraît destinée à loger
une famille, c’est-à-dire le père, la mère et les enfants.
Ceux-ci, assez nombreux, sont paisibles, gais,
peu turbulents et déjà remarquables par l’élargissement
de leur face.
Décidément, le chef et son frère m’ont semblé deux
des plus beaux hommes de toute la tribu ; la femme
du premier a aussi des traits assez agréables. Un autre
naturel de très-grande taille m’a frappé par son rapPl.
XII.