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La pluie qui a tombé presque continuellement et
qui a bien entravé tous nos travailleurs, me force à
rentrer à cinq heures, trempé jusqu’aux os.
La peche a la seine et au trémail a encore fourni
environ cinquante livres de poisson, assez pour en distribuer
à tout le monde. En outre, la pêche à la ligne
qui rapporte beaucoup de petits gobies, excellents à
manger, procure un très-heureux supplément, aussi
chacun jouit d’une santé florissante.
Cette journée a encore été pluvieuse, et j ’en profite
pour mettre à jour la correspondance que je
veux confier à notre bureau de poste en plein air ;
malgré les grains, les officiers des deux bords continuent
leurs sondes, attendu qu’ils sont pressés par le
peu de temps mis à leur disposition.
Dès deux heures du matin, MM. Dumoulin, Hom-
bron et Gourdin, accompagnés de plusieurs officiers
de la Zélée, se disposent à gravir au sommet du
mont Tarn : on trouvera dans les notes les récits
de l’un de ces messieurs, touchant cette rude et fatigante
excursion *.
Moi-même, encouragé par l’apparence d’une belle
journée, je m’embarque avec le jeune chirurgien Le
Breton, pour remonter le cours du Sedger aussi loin
qu’il me serait possible. Quoique j ’eusse choisi le
moment le plus fa vorable de la marée, et malgré tous
les efforts des canotiers, tout ce que je pus obtenir
fut d’aller environ deux fois plus loin que la dernière
* Note 44.
fois. Là , quoique le lit de la rivière ait encore environ
20 mètres de largeur, sa rapidité et surtout sa faible
profondeur réduite à 5 ou 6 décimètres, défendent
tout progrès ultérieur.
En ne tenant compté que de la distance parcourue,
on serait disposé à l’estimer à six milles au moins,
mais étant monté sur un morne de la rive droite, je
pus découvrir la baie au N. N. E. du compas, ainsi
que nos deux corvettes, à quatre milles environ. Ainsi
l’on pourrait tout au plus porter à trois millés en
ligne droite l’étendue de ce cours d ’eau depuis son
embouchure jusqu’au point où nous nous trouvions.
L’illusion tient à ce que son cours fait de grandes
sinuosités ; j ’ai même remarqué un point où il forme
une vraie presqu’île dont l’isthme est à peine large de
60 ou 80 mètres. Ses bords offrent un aspect imposant
et tout-à-fait pittoresque. Par une disposition particulière
à ses feuilles, le hêtre antarctique semble
étendre horizontalement ses rameaux en guise de
vastes parasols au-dessus des eaux du fleuve, et l’on
navigue ainsi sous un dais de verdure continuelle. Je
remarquai aussi un beau loranthus qui couvrait entièrement
de ses fleurs écarlates un tronc rabougri
d’épine-vinette autour duquel il s’était enlacé. C’est
le même que celui qui croît au Chili, et l’on peut remarquer
qu’en général les plantes du détroit de
Magellan se retrouvent aussi dans le Chili, un pet it
nombre excepté. Il en est de même des quadrupèdes,
des oiseaux et des insectes.