l’eau d’un canot que dans le cas où il s’agirait d’aller
recueillir un objet destiné à la collection du Muséum.
La manie des collections particulières se développait
déjà à tel point que je dus prendre des mesures pour
éviter les désordres auxquels elle pouvait mener. Je
laissai chacun libre de recueillir pour lui-même ce qui
lui conviendrait, mais je défendis qu’on disposât ni
des bras des matelots, ni des moyens de l’expédition
pour son propre compte , et j ’en donnai moi-même
l’exemple.
Dans un moment de calme profond, j ’envoyai le
thermométrographe à 290 brasses sans trouver le
fond, à moins de deux milles de terre. La température
de la surface était de 9°, à cette profondeur elle descendit
à 2°. C’est un fait très-remarquable : car il est
probable qu’à ces profondeurs les courants ne peuvent
introduire directement les eaux d’aucun des deux
océans. On serait donc conduit à penser que ce serait
là la température propre à cette profondeur.
Sur les trois heures, ainsi que je l’ai déjà dit, une
petite brise de S. 0 . se leva et nous pûmes cheminer
piano piano sur la m er la plus calme. Nous défilâmes
successivement devant les jolies baies qui se suivent
depuis l’île Nassau jusqu’au cap Isidore, toutes offrant
les aspects de terrain les plus gracieüx, Nous repassâmes
devant la baie Voces, et désormais chaque
site, chaque accident du sol rappelait à notre imagination
les lieux que nous avions si bien explorés la
semaine précédente.
En examinant avec un nouveau soin Port-Famine
et ses alentours, chacun de nous resta convaincu que
le choix fait par Sarmiento de ce point pour y fonder
sa colonie était très-judicieux. Dans tout le détroit,
nul autre n ’aurait offert les mêmes avantages, soit
pour la bonté et la sécurité du mouillage, soit par les
ressources de tout genre qu’on y peut trouver. Nulle
part le sol ne paraît susceptible d’y être cultivé avec
le même succès. Bien certainement cette position sera
de nouveau occupée, et cette fois elle ne sera plus
abandonnée. Alors aussi le détroit de Magellan ne peut
manquer d’être fréquenté habituellement par les navires;
car il n ’y aura pas de comparaison à établir
entre la navigation douce et assurée du canal et la
traversée pénible et dangereuse des mers du cap
Horn. Cette dernière voie sera surtout complètement
abandonnée par ceux qui voudront rentrer de l’Océan
Pacifique dans l’Atlantique. Tout porte à croire
que sous peu d’années, ces avantages seront compris
et exploités par les Anglais, ces envahisseurs acharnés
du globe entier.
A huit heures du soir, comme je me trouvais à un
demi-mille environ de la pointe Anna, j ’expédiai
Kosmann avec le canot, pour aller porter dans notre
boîte aux lettres un nouveau pli par lequel je rendais
compte au ministre des opérations exécutées depuis le
départ de Port-Famine jusqu’à ce moment *.
Le canot revint à neuf heures et demie, puis je mis
en panne afin de profiter du beau temps pour voir