par eux à quelque distance, où nous trouvâmes le reste de la tribu,
qui avait apporté les tentes, afin de s’établir près des bâtiments,
pour la facilité des communications. Tous les pénates étaieut
portés par quelques chevaux. Les femmes sont, chargées..de. la
construction des huttes. Elles commencent par enfoncer quelques
piquets dans la terre, puis placent dessus quelques peaux de gua-
naques cousues ensemble, et voilà une tente. D’autres peaux dans
l'intérieur pour se coucher, des morceaux de guanaque pendus à
des piquets, si la chasse a été heureuse, puis une dizaine d’indiens
mâles ou femelles, couchés pêle-mêle avec des chiens : voici une
famille. Multipliez ce résultat par 20, et vous aurez l’idée exacte
d’une tribu de Patagons.
Ils n’ont pour tout vêtement qu’un manteau en peaux de guana-
ques, tannées d’une manière particulière, et dans lequel ils s’enveloppent.
A leurs pieds, une peaù découpée,et cousue (à l’instar
d’une bottine) leur monte jusqu’aux mollets; à leurs talons, une
espèce d’éperon, formé d’un morceau de bois pointu, qui ne les
quitte presque jamais ; car le cheval est le moyen de locomotion
adopté par ces peuplades, qui ne se transporteraient pas à;cinquante
pas de distance, sans monter un des nombreux chevaux
qui pâturent en liberté autour de leur camp.
Leur chevelure, noire et lisse, est retenue par un bandeau qui
fait deux fois le tour de la tète.
Voyez cette jeune fille revêtue d’un manteau neuf, ses cheveux
gracieusement rejetés en arrière ; elle est occupée à rectifier deux
lignes blanches et rouges qui lui traversent la figure : c’est là le
soin le plus important de sa toilette. Elle se mire avec complaisance
dans ce miroir, que vous Européen lui avez apporté ; elle
veut attirer vos regards, la pauvre enfant, et vous plaire. Depuis
longtemps elle a été nommée la plus belle de la tribu : ses yeux
sont petits, mais vifs ; sa bouche est grande, mais quand elle spu-
rit elle laisse voir des dents d’une blancheur éclatante, et rangées
telles, qu’une petite-maîtresse parisienne en mourrait de dépit ;
ses lèvres sont grosses, mais voluptueuses; ses gestes, ses regards
vous appellent au plaisir, Étranger ! Telle est l’hospitalité des
Patagons. La victime est parée pour le sacrifice; elle s y présente
d’elle-méme ; elle en fera la moitié des frais. Ne sois donc pas si
cruel; ne crains pas les regards étrangers. L’acte que la nature
approùve n excitera ni un rire moqueur, ni une parole piquante,
chez ces enfants de la nature, que la civilisation n’a pas corrompus
de préjugés, et qui considèrent la reproduction comme le devoir
le plus important de l’homme.
Le chef paraît être l’arbitre souverain ; c’est à lui qu’il faut
s adresser en cas de v o l, et son influence vous fera rapporter sans
bruit l’objet dérobé : tel est du moins ce qui m’est arrivé dans
ma dernière course. J avais perdu une assez grande quantité de
tabac, dont ces Indiens sont très-friands ; je m’en aperçus au moment
du départ, alors que la plupart de mes camarades étaient
déjà en route. Je m’adressai en toute hâte au chef, et le pressai de
me faire rendre l’objet dérobé. Pèndant que j’avais la tête tournée
d un autre côté, il dit quelques paroles aux femmes qui m’entouraient,
et que je soupçonnais fortement : lorsque je me retournai
vers lu i, il me présenta mon sac turc. Je récompensai sa bonne
foi en partageant ce qui s’y trouvait avec lui.
La loi du talion n’est pas de rigueur chez eux. Un Indien me
disait que lorsqu’un meurtre avait lieu on examinait si les raisons
en étaient puissantes : dans ce cas, tout est dit. Si elles ne paraissaient
pas au chef assez concluantes, le meurtrier était chassé de
la tribu ; quelquefois tué par le chef.
Quand un guerrier meurt, toutes les personnes qui vivaient
dans sa hutte sont reportées dans les autres. Le chef partage entre
elles les ustensiles de première utilité, tels que couteaux, sabres,
ciseaux : tout le reste, chevaux, chiens, peaux, huttes, tout est
tué et livré aux flammes sur la tombe du mort. Celle-ci est simplement
un trou en terre, fait de telle sorte, que le corps se trouve
assis au lieu d’être couché; puis on le recouvre de terre, sur la