chant au vol, nonobstant le soin avec lequel je faisais
surveiller leurs moindres mouvements sans leur
donner lieu de s’en apercevoir, surtout tant qu’ils
sont restés dans ma chambre.
Leur taille moyenne paraît être de l m,732;
l’un d’eux avait l m,760 , mais ils sont larges
de carrure; sans être nullement musculeüx, leurs
membres sont gros, arrondis, potelés, bien proportionnés,
avec les extrémités d’une petitesse remarquable
pour des sauvages aussi mal vêtus. Leur peau
est lisse, douce et simplement olivâtre, plus encore
par malpropreté et exposition habituelle à l’air que
par leur complexion naturelle ; leurs cheveux sont
noirs, longs, peu épais, pendants par derrière et retenus
sur le front par un bandeau. Leur figure est
ouverte, très - large dans sa partie inférieure et
rétrécie au sommet, car le front est singulièrement
bas, étroit et fuyant en arrière. Leur physionomie
est habituellement calme et sans expression, seulement
animée quelquefois par un sourire bonasse,
qui semble annoncer la douceur de caractère de ces
hommes. Les yeux étroits, allongés et peu* ouverts
rappellent à l’instant le type mongol, les pommettes
sont assez saillantes, le nez écrasé plutôt petit que
grand, la bouche moyenne ainsi que le menton.
Peu de barbe ni de poils. Attitude généralement
molle, indolente et paresseuse. Rien n ’annonce
en eux la vigueur, la souplesse ni l’agilité ; et à les
voir assis, debout ou en marche, on les prendrait
plutôt pour des femmes d’un sérail d’Orient que pour
des sauvages aussi rapprochés de l’état de nature.
Leur vêtement national est un large manteau en
peaux de guanaques, de renards ou de tigres sauvages
proprement tannées et solidement cousues ensemble.
Il en est même dont le revers est décoré de dessins
imprimés d’une manière élégante. Par-dessus, ils
portent une espèce de tablier retenu par une ceinture
autour des reins. L’un d’eux, sous son manteau, avait
un ajustement complet d’Européen: habit, veste, gilet,
pantalon et bonnet de police, rien n ’y manquait que
la chaussure. Sans doute il tenait cela de quelque
Européen, moyennant des peaux qu’il avait livrées.
Quoi qu’il en so it, comme tous les sauvages de
l ’Océanie, il semblait tirer vanité de son déguisement,
qui lui convenait bien moins que son costume national.
Avec eux était venu un Européen établi dans cette
trib u , dont l’extérieur chétif e t les traits décharnés
annonçaient la plus profonde misère. Il se disait Américain
des Etats-Unis. Mais l’ayant interrogé en anglais,
je vis bientôt qu’il parlait fort mal cette langue ; je
compris seulement qu’il était natif de la Suisse et des
environs de Berne. Ayant appelé Kosmann qui parlait
l’allemand, je recueillis ce qui suit sur le compte de
cet individu.
Niederhauser (John), horloger de son métier, était
allé tenter la fortune aux Etats-Unis, mais elle fut
sourde à ses avances. Après avoir subi maint revers
il ajouta foi aux brillantes promesses d’un pêcheur de
phoques qui recrutait des dupes pour armer son