1838.
Janvier.
CHAPITRE IX.
Séjour au hâvre Peckett et départ du détroit.
A dix heures et demie, je permis à tous les officiers
de Y Astrolabe et de la Zélée de descendre à
terre ; tous sans exception étaient bien impatients de
voir pour la première fois des sauvages. Alors il leur
semblait que ce spectacle ne cesserait de leur offrir
de nouvelles jouissances dans le cours de la campagne;
mais le moment ne devait pas tarder à venir où ils
en seraient complètement rassasiés et où ils soupireraient
avec ardeur après l’époque où ils n ’en reverraient
plus.
Le vent d’ouest ne tarda pas à fraîchir et souffla
bientôt grand frais avec des rafales très-violentes, un
temps clair et une température assez élevée pour ces
climats. Nous dûmes filer jusqu’à 126 brasses de
chaîne pour assurer notre tenue. Heureusement dans
cette direction le vent venait du fond du hâvre et
ne pouvait soulever de houle , quoique sa violence,
en soulevant la surface des eaux, la fît voltiger en
forme de poussière argentée.
Il fut impossible d’envoyer les canots à la recherche
des officiers déposés à terre avant neuf heures et
demie du soir, et chacun d’eux fut enchanté d’échanger
la nuit maussade qu’ils se préparaient déjà à passer
sous les tentes des P atagons, au sommeil confortable
pris dans leurs couchettes habituelles. D’ailleurs ils
n ’étaient pas fâchés d’ajouter un joyeux supplément
au piteux repas qu’ils avaient fait à terre.
Quand le grand canot était descendu dans la matinée
avec les officiers, une foule de naturels à cheval
étaient déjà rassemblés à terre près du point de débarquement;
ils avaient accueilli très-amicalement leurs
hôtes. Enfin, voyant le canot se disposer à s’en retourner,
plusieurs d’entre eux s’étaient jetés dedans
pour venir nous rendre visite. On eut beaucoup de
peine à les faire débarquer. Trois seulement reçurent
l’autorisation de rester dans le canot.
En arrivant, ils montèrent à bord avec aisance, se
présentèrent avec confiance et sans embarras et se
comportèrent décemment. L’un d’eux était un
homme de 45 an s, l’autre pouvait avoir de 25 à 30
ans, enfin le troisième n ’accusait guères, par son extérieur,
que 20 ou 22 ans. Doux, paisibles et complaisants,
ils ont fait de leur mieux pour répondre à toutes
les questions dont on les importunait. Ils examinaient
avec calme et tranquillité les objets qu’on leur présentait
, sans témoigner beaucoup de convoitise pour
les posséder, et n ’ont donné aucune preuve de pen-
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