des prétentions souveraines sur cette partie de la Patagonie. Dans
un temps donc où l’Angleterre s’est emparée de toutes les îles situées
dans la zone tempérée, où on peut établir des colonies agricoles
, ce pays est le seul où la France puisse fonder un établissement
de ce genre, et certes il n’est pas à dédaigner. Il serait hono-
îable pour elle et à la fois très-utile, de transporter sur ces plages
sauvages et pour ainsi dire désertes, ses moeurs et sa civilisation.
En y jetant les fondements d’un nouvel Etat, ce serait pour elle
en même temps augmenter son influence politique, et contribuer
à la civilisation générale du monde, à laquelle les grandes nations
doivent travailler de tous leurs moyens, sous peine de déchoir.
Si la gloire militaire, si chère au pays, n’entre pour rien
dans une pareille entreprise, celle qu’on recueillerait serait beaucoup
plus durable et plus profitable. Elle fournirait les moyens
d’employer l’activité et l’industrie de cette partie de la population
q u i, sans doute, est pleine d’intentions droites et honorables,
mais qui, désireuse de participer au bien-être de ceux qui possèdent,
se lance souvent dans des entreprises où elle échoue, faute
d’avoir bien calculé tous les obstacles. En effet, dans une société
comme la nôtre, chacun trouve inévitablement dans l’exercice de
ses facultés une foule d’entraves, chaque fois qu’il vient se frotter
contre une autre personnalité que la sienne, et subit les inconvénients
de la concurrence, qui n’en est pas moins la sauve-garde
de l’industrie. Alors ces gens, souvent à tort, accusent la société
des malheurs qu’ils éprouvent, et tournent contre elle, pour la
renverser, les efforts et l’activité qu’une meilleure direction aurait
pu lui rendre si profitables.
Pour diminuera la fois les charges d’un pareil établissement
et le rendre plus tôt productif, le gouvernement, après avoir pris
possession des terres , ferait bien d’en confier l’exploitation à des
compagnies formées par des riches capitalistes auxquels on accorderait
les mêmes privilèges qu’à celles qui ont déjà réussi à
fonder des colonies florissantes sur les côtes méridionales de
l’Australie. Ces compagnies réussiraient beaucoup mieux que le
gouvernement à y appeler des colons, à bien les choisir, et, le
contrôle qu’exercerait sur elles le gouvernement leur donnerait ,
pour les particuliers , toutes les garanties désirables. Ces compagnies
n’ont pas l’inconvénient des anciennes compagnies souveraines,
et ne sont pas fondées comme elles sur le monopole, et cependant
elles en ont tous les avantages ; car elles offrent seules le
moyen de réunir les capitaux nécessaires à des entreprises de ce
genre, elles évitent au gouvernement le soin d’intervenir dans les
concessions de terres que ses agents font souvent avec si peu de
- discernement ; elles lui ôtent aussi le caractère de spéculateur
qu’il aurait s’il entrait comme partie intéressée dans les transactions,
enfin elles inspirent plus de confiance aux capitalistes aventureux
qui viennent exercer dans un pays nouveau leur industrie,
que le gouvernement lui-même qu’il n’est que trop habitué chez
nous à voir se mêler de tout, et à nuire à la production par ses
mille et une petites tracasseries, et les entraves qu’il est toujours
porté à mettre à toute industrie. Je n’ai pas besoin d’ajouter que
les principes les plus larges sur la liberté du commerce, la liberté
politique et la liberté religieuse serviraient de bases, du consentement
de tous les actionnaires, aux institutions de cette colonie
dès son berceau ; ce qui serait beaucoup plus difficile à établir si
le gouvernement se trouvait à sa tête, et elles produiraient inévitablement
tous les avantages qu’on en retire dans les sociétés
nouvelles.
Si les considérations politiques ne suffisaient pas pour engager
la France à fonder une colonie à Port-Famine, ce lieu serait éminemment
propre à devenir le siège d’une colonie pénale qui lui
manque et dont le besoin se fait vivement sentir. Ce lieu et toute
la côte sud de Patagonie, réunissent les conditions nécessaires à
un pareil établissement. L’éloignement de ce pays et son isolement
du reste de l’Amérique , quoique rien ne paraisse l’en séparer,
offriraient une garantie suffisante contre le retour en France des