provisions et les harnais des chevaux. La construction de ces
huttes fait qu’à chaque changement de vent, on court risque
avant de les avoir orientées, d’être inondé par la pluie ou logé
comme à la belle étoile. En moins d’une demi-heure, le camp fut
tbut-à-fàit formé, les chevaux furent abandonnés à eux-mêmes, et
se mirent à paître dans les environs ; les chiens restèrent à rôder
tout autour; et dès que les femmes eurent terminé ce travail,
on les vit après vaquer à tous les autres soins du ménage, tandis
que leurs indolents maris restaient les bras croisés à les regarder
faire, et se seraient bien gardés de les aider à planter les pieux
des tentes, même quand leurs forces ne suffisaient p a s, car dans
ce cas nous les vîmes forcées d’avoir recours à leurs compagnes.
A peine me trouvai-je au milieu de cette tribu que j’examinai
avec la plus grande attention ces fameux Patagons que je désirais
tant voir, ce peuple de géants sur lequel on a débité jadis tant de
fables, et dont tant d’autres versions contradictoires ont cherché
à rabaisser la taille au-dessous de la moyenne. Ce qui m’a frappé
d’abord en eux, ce n’est pas tant leur taille que je n’ai jamais rencontrée
au-dessous de cinq pieds cinq à six pouces, souvent de
huit, neuf et dix pouces, mais jamais au-dessus, que leur énorme
carrure, leur large et grosse tête, et leurs membres épais et vigoureux.
Ils ont le cou court, sont légèrement voûtés et ont les
formes arrondies ; mais si leur embonpoint empêche les muscles
de se dessiner, ils n’en paraissent pas moins robustes. Leur tête
qui est très-grosse, n’a pas un développement cérébral proportionné,
néanmoins ils paraissent intelligents. Leurs pommettes
sont saillantes, et la largeur de leur face contribue à faire paraître
le crâne moins volumineux. Leur visage est rond et un peu plat,
leurs yeux légèrement obliques, comme ceux des Chinois, ont de
1 expression, mais plutôt celle de la douceur que toute autre.
Leurs cheveux sont noirs, ils les portent longs, plats et noués sur
la tête, leurs dents sont remarquables par leur blancheur, et
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NOTES. 263
leur teint est rouge bronzé comme celui de tous les indigènes
de l’Amérique, sans distinction de climat. Leurs pieds et leurs
mains sont bien proportionnés ; mais chez eux la jambe paraît un
peu faible, ce qui s’explique par leur genre de vie qui se passe en
grande partie a cheval ou couché. Tout cet ensemble constitue
une belle race d’hommes, pleine de force et de vigueur.
Leur chef, grand et bel Indien, d’environ trente ans, qui malgré
le peu d’autorité dont il paraissait jouir, avait néanmoins un
peu d’influence sur eux, nous fit voir leur costume de guerre, et
s’en revêtit devant nous. Ce costume consistait en une espèce de
blouse à manches, faite en peau de boeuf, très-épaisse et cousue
très-solidement, qui couvrait à peu près tout le corps, pouvait
presque produire l’effet d’une cuirasse, et parer du moins les plus
faibles coups. Sa tête était couverte d’un grand chapeau à coiffe
ronde en forme de casque, recouvert de plaques de cuivre et orné
d’un gros plumet de plumes d’autruche. Ce chef qu’on nous dit
s’appeller Konguer, nom qu’il tient des Anglais, portait ce lourd
costume avec grâce, quelque écrasant qu’il fût ; il s’arma d’une
lance, la fit mouvoir avec une agilité remarquable et nous donna
une représentation de leurs combats. On l’eût pris à sa taille, à
ses formes athlétiques, à ses bras vigoureux, pour un de ces
héros qu’Homère nous dépeint comme de véritables géants qui
imposaient à un ennemi ordinaire, autant parleur masse que par
leur courage. Konguer nous montra bientôt après, en dévorant
une cuisse moitié crue de guanaque, qu’il leur ressemblait peut-
être encore davantage par l’appétit, et était digne de s’asseoir à
leur banquet.
Les femmes, après avoir complété leurs travaux, rallièrent les
tentes; elles nous parurent beaucoup moins bien que les hommes.
Elles portaient à peu près le même costume, à tel point que nous
les confondîmes souvent avec eux ; leur manteau de la même
étoffe n’en différait que parce qu’il était agrafé sur la poitrine, et
laissait ainsi le mouvement des bras plus libre. Elles avaient en
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