je jugeai qu’à minuit nous devions avoir complètement
vidé le détroit.
C’est ainsi qu’au bout de vingt-sept jours nous prenons
congé du fameux détroit de Magellan , après
avoir parcouru les deux tiers de son étendue, après
avoir relevé tous les accidents de ce développement
de côtes ; après avoir dressé une dizaine de plans de
baies ou de ports; après avoir enfin recueilli une
foule de documents et de matériaux en tout genre,
d’un grand intérêt pour les sciences. C’est un temps
bien fructueusement employé, et qui donne une idée
de ce que nous aurions pu faire s’il nous eût été
permis de consacrer trois mois entiers à ces travaux,
comme le portait mon projet primitif; mais je ne
devais pas oublier que l’exploration polaire était le
but principal de la première partie de notre campagne.
L’exploration du détroit de Magellan ne pouvait
plus être qu’un hors-d’oeuvre imprévu, et je
pense en avoir fait un épisode important pour notre
voyage. Il faut avouer aussi, qu’en masse, nous avons
été bien favorisés par le temps ; car si nous avions
eu souvent à subir des vents violents de l’ouest,
comme ceux que nous venons d’éprouver à Pec-
kett, il nous eût été impossible d’exécuter autant
d’opérations diverses.
Malgré les fatigues, inévitable suite d’une navigation
aussi active, nous n’avons pas un seul malade
sur les deux corvettes, et tout le monde est gai,
content et plein d’espoir pour l’avenir. Sans doute
c’est un bien heureux résultat qui dépasse toutes mes.
espérances. Pourtant cela ne doit pas m’empêcher de
regretter vivement le mois qu’on m’a fait perdre à
Toulon, en effet, c’eût été autant de plus pour les
travaux à exécuter dans le détroit, surtout j ’aurais pu
donner quelques jours de repos de temps en temps
aux équipages *.