temps sans les comprendre, et je n ’en vins à bout que
lorsqu’elle me montra celui qu’un de mes canotiers
tenait en ce moment dans sa main ; bien certainement,
sa requête ne pouvait s’adresser plus mal qu’à
moi, qui ai toute ma vie abhorré cette drogue; heureusement
un canotier, en courtois chevalier, consentit
à partager sa provision avec cette pauvre
créature. En re to u r, le jeune homme^ en nous
voyant cueillir du c é le ri, voulut nous aider dans
cette récolte.
Plus ta rd , j’entendis raconter, je ne sais plus où,
qu’un Européen, voulant convertir et civiliser les
Patagons, s’était établi au hâvre Peckett, où il avait
même commencé quelques cultures ; mais, qu*ennuyé
de sa triste existence, il s’en était retourne parmi les
hommes civilisés. Je ne serais pas du tout surpris que
la case de nos Pécherais ne fût sur remplacement
qu’avait occupé celle du pèlerin eù°questiop; par ce
terrain semblait avoir été remué, et il y croissait des
plantes européennes qui ne se trouvent point ailleurs
et qui accompagnent d’ordinaire nos plantes potagères.
De l à , je pris ma course vers de magnifiques
pelouses qui më rappelaient merveilleusement les
steppes de la Crimée. J’eus bientôt enrichi ma collection
d’une quinzaine d’espèces que je n ’avais pas
encore vues ; j ’y observai le gommier des Malouines,
et je tombai sur deux étangs d’une eau très-salée,
bien qu’on ne découvrît aucune communication extérieure
avec la mer ; il semblait même que leurs
eaux suivaient les mouvements de la marée, à en
juger du moins par une large laisse d’eau sur une
argile bleuâtre encore toute humide.
De là, je gravis sur un tertre voisin, d’où je pus
jouir d’une vue magnifique, embrassant plusieurs
milles de rayon dans ces immenses steppes ; mais je
n ’aperçus aucun guanaco. Dans cette promenade,
je vis deux bécassines, de gros pluviers noirs et
beaucoup d’alouettes, de chevaliers et d’alouettes
de mer.
N’ayant pu gagner l’îlot de l’intérieur du h âv re, à
cause du vent et de la marée contraire, je me rabattis
sur l’île Plate, située à l’entrée; elle était presque
couverte de goélands et de labbes qui voltigeaient
tout autour de nous en faisant un tintamarre affreux ;
deux jours auparavant, leurs nids avaient été ravagés
par les hommes du canot-major, lorsque M. Roquemaurel
était allé y chercher sans succès le puits indiqué
par le capitaine King.
M. Marescot, malgré le gros temps, avait employé
cette après-midi à sonder sur le banc où Y Astrolabe
avait touché en entrant ; son travail a prouvé
que ce danger ne s’étendait effectivement pas a u -
delà de trois câbles au large, ainsi que je l’avais
estimé.
A quatre heures du matin, MM. Roquemaurel,
Duroch, Gourdin et Dumoutier sont descendus près
de la pointe S. de Peckett, pour se diriger vers
l’O. S. 0 ., dans l’espoir de gagner, ou du moins d’avoir
une vue du fond du bassin d’ Otway-water ;
d’après la carte de King, la distance qui séparerait
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