dans un état d’isolement qui, au dire de nos réfugies, est une véritable
servitude. S’il en est ainsi, on ne peut admettre qu’un joug
trop lourd pèse sur les Pécherais qui ont tant de moyens de s’y
soustraire.
A part les dissensions intestines qui peuvent éclater au sein des
tribus, pour le partage du gibier, les Patagons n’ont que de rares
occasions de guerroyer. La rencontre entre deux tribus n’est, dit-
on, jamais meurtrière, et il suffit d’un seul homme hors de combat,
pour que chaque parti se retire de son côté.
Les femmes seraient sans attraits pour d’autres que des marins
qui, après une longue navigation, n’y regardent pas de si près.
Elles ne sont pas plus exemptes de coquetterie que nos dames, et
emploient comme elles les bijoux , les odeurs et les cosmétiques
pour relever l’éclat de leur toilette, ou raviver la fraîcheur de leur
teint. Mais là du moins , l’entretien de la parure et des attraits
des dames ne cause à leurs maris qu’une dépense très-modique.
Un collier de verroterie, quelques anneaux de cuivre ou de fer-
blanc leurs tiennent lieu de pierreries. La graisse et la moëlle
de guanaco, seule ou mêlée au charbon et à l’ocre rouge, suffisent
pour lustrer les cheveux ou le visage.
Les cheveux peignés avec une brosse ou une racine assez semblable
à un petit balai, sont divisés au sommet de la tête, et retombent
sur chaque épaule où ils sont quelquefois attachés en forme
de queue. La figure est barbouillée uniformément de rouge et de
noir, depuis la naissance des cheveux, jusqu’aux milieu du menton.
Quelquefois cet enduit n’occupe que la moitié du visage
jusqu’au-dessous des yeux. 11 m’a semblé que cette sorte de masque
n’était pas d’un effet désagréable. Je n’ai pas remarqué
qu’une couleur particulière fût affectée aux femmes et aux
filles.
Les Patagons , quoique de moeurs peu austères , n’en cachent
pas moins avec le plus grand soin leurs parties sexuelles. Ils déploient
même dans ces dehors de chasteté une adresse assez singulière,
trouvant toujours le moyen de couvrir leurs organes
avec 1 un des coins de leur vêtement de peau, sans gêner en rien
leurs mouvements. Cherchant à découvrir si la circoncision était
pratiquée parmi ce peuple, je n’ai jamais pu sur ce point surprendre
sa vigilance. Mais parmi un assez grand nombre d’en-
fànts, je n’en ai pas vu un seul qui fut circoncis.
La médecine est pratiquée chez eux par des charlatans, devins
ou astrologues q u i, quoique n’ayant pas pris leurs grades dans
nos doctes facultés, n’en expédient pas moins leur monde, secun-
dum artem. Mais l’inviolabilité des esculapes du Sud ne paraît
pas aussi respectée que celle de nos docteurs. Le chef Kondo en
assomma un, dit-on, de sâpropre mains peu de jours avant notre
arrivée, et cette exécution fut approuvée par les membres de la
tribu.
Il est bien difficile de préciser quelque chose sur la religion de ces
peuples, leurs croyances sur la divinité et l’immortalité de l’âme.
Une conversation par signes sur de pareilles matières est impossible.
Il faudrait assister aux pratiques de leur culte intérieur
pour savoir le Dieu qu’ils adorent. On a remarqué cependant que
le chef Kondo, ayant passé la nuit à bord, couché dans la chaloupe,
monta dès le matin sur la dunette ; et là, la face tournée
vers le so leil, avec un recueillement qui avait quelque chose de
solennel, il agita plusieurs fois, en s’inclinant, un bouquet d éplumés
d autruche qu il tenait a la main. Ce fait, dont je n’ai pas été
témoin, pourrait-il être regardé comme un hommage d’adoration
rendu à l’astre du jour?
Je n ai pu savoir si les Patagons et les Pécherais ont une langue
commune. Cette langue est tellement gutturale, les sons en sont
quelquefois si étouffés qu’il estbien difficile d’y rien comprendre.
On dirait un bruit produit par l’ébullition d’un corps gras ou une
sorte de ralement. Parmi le grand nombre de mots qu’on a cherché
a recueillir de leur bouche pour en faire un vocabulaire, il
en est fort peu dont les sons aient été clairement perceptibles, et