déportés et leur désertion, et le climat permettrait de leur imposer
un travail rigoureux qu’on ne peut pas exiger des Européens dans
la zone torride. On pourrait mettre à profit, en fondant une pareille
colonie, l’expéi'ience qu’a acquise l’Angleterre, y rendre la
déportation une punition effective et exemplaire pour la société,
et la faire tourner en même temps à l’amendement du coupable.
En purgeant ainsi la France de l’écume de sa population, on
pourrait à peu de frais, comparativement au résultat, transformer
ces éléments nuisibles en instruments utiles, et les transplantant
sur un autre sol, loin du théâtre de leurs crimes et des témoins
de leur flétrissure, former, en se servant d’eux comme auxiliaires,
une colonie agricole dont les progrès seraient très-rapides.
La France cesserait alors d’être obligée de conserver dans son sein
les bagnes, écoles de vice et d’immoralité, qui tendent à corrompre
la population des ports de mer ; car l’action désorganisatrice de
ces criminels acquiert, comme toutes les puissances de ce monde,
de la force en se centralisant, et si on leur ôte la liberté , on ne
leur ôte pas pour cela les moyens de nuire. Nos arsenaux qui ne
retirent, quoi qu’on en d ise , que bien peu d’avantages du travail
de ces hommes, verraient cesser ces vols organisés par eux, dont le
trésor a tant à souffrir, et que la police la plus active ne peut
qu’imparfaitement prévenir, déprédations auxquelles tant de gens
sont disposés à se prêter, en y prenant part, s’appuyant sur le
principe des consciences larges, que voler l’Etat ce n’est pas
voler.
(M. Dubouzet.')
Note 48, page n 4 -
Le même jour, à deux heures du matin je pai'tis avec MM. Du-
moutier et Marescot pour aller à la recherche des Patagons.
M. Dumoutier avait passé toute la nuit à écrire, Marescot et moi
nous n’avions dormi que quelques heures.
Nous suivîmes le rivage, en contourant toutes les baies, ce qui
allongeait beaucoup notre route. A neuf heures du matin environ,
nous nous arrêtâmes pour déjeûner. Nous avions déjà marché
près de sept heures, et la plus grande partie du temps dans
un sable mouvant ou sur des galets qui roulaient sous les
pieds.
Nous avions trouvé dans la matinée un nid de canard contenant
sept oeufs; Marescot nous en fit une excellente omelette.
A onze heures, nous nous remîmes en route; mais nous ne
marchâmes plus aussi bien. M. Dumoutier ne pouvait plus aller
de l’avant et nous arrêtait à chaque instant. Cependant nous continuâmes
a marcher jusqu a environ quatre heures ; depuis onze
heures, nous n’avions guères fait plus de deux lieues. M. Dumoutier
s’arrêta là, et déclara qu’il lui serait impossible d’aller
plus loin. Nous ne pouvions pas l’abandonner. Du reste, nous
étions chargés de gibier que nous avions tué dans la journée,
et nous continuâmes j usqu’à la nuil. Nous ne pûmes aller qu’une
couple de lieues plus loin; nous vîmes que notre partie était man-
quée; nous nous décidâmes à rétrograder et à chercher un gîte
pour la nuit.
Nous ne trouvâmes point d’endroit plus commode pour passer
la nuit que celui ou nous avions déjeûné, et nous rétrogradâmes®*
jusques-la. Nous n’y arrivâmes qu’à sept heures, et encore laissâmes
nous M. Dumoutier de l ’arrière.
Nous fîmes cuire des moules pour notre souper. Nous mangeâmes
aussi quelques mouettes rôties que nous avions apportées.
Puis nous nous mîmes à couper des branches vertes, et en moins
<i’un quart d’heure, nous avions bâti une hutte très-confortable
pour passer la nuit. Pendant ce temps, M. Dumoutier amassa un
grand tas de bois sec pour entretenir le feu durant la nuit. Deux
de nous se couchèrent sous la tente, le troisième fit faction près
d u feu. Nous fûmes fréquemment troublés pendant la nuit par
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