répondit en termes assez vagues, en m’invitant à ne
regarder que le roc à gauche et nullement le précipice
à droite. Je pris mon parti comme je pus; mais au
fond du coeur je regrettai la sotte curiosité qui m’avait
attiré dans cette promenade.
Ce mauvais pas peut avoir 300 mètres d’étendue f
puis nous traversâmes un Barranco ou torrent étroit et
très-creux sur une simple planche de 7 décimètres de
large. Après les orages, ce torrent roule sans doute
d’immenses masses d’eau qui doivent former d’admirables
cascades, en se précipitant dans la vallée que
couronnent ces montagnes abruptes.
Alors nous nous trouvâmes devant la Cortadura.
C’est une tranchée faite dans une colline afin d’éviter
un très-long détour pour la conduite des eaux. Ses dimensions
sont de 20 à 25 mètres de hauteur, sur un
mètre au plus de large, et 150 mètres d’étendue. Sa
direction ne m’a pas semblé parfaitement rectiligne,
mais un peu coudée dans le milieu. Le roc est une lave
ancienne et très-compacte.
Au sortir de la Cortadura, l’aquéduc poursuit son
cours le long de la montagne, mais le chemin présente
un aspect moins effrayant, attendu que la pente commence
à s’incliner davantage par rapport à la verticale,
et l’amateur n ’aurait plus tant à redouter la suite
d’un unique faux pas. M. Bretillard m’assura que les
eaux venaient d’une distance de plus d’un myria-
mètre. Jugeant qu’il était temps de rallier mon bord, je
voulus savoir s’il n ’y aurait pas moyen de revenir par
un autre chemin. Mon compagnon me répondit que cela
serait possible, mais que la route était bien deux fois QC^ r’e.
plus longue et plus fatigante, attendu qu’il n y avait
point de sentier frayé, et qu’il faudrait marcher à travers
les roches et les broussailles et souvent par des
pentes assez roides. Toutefois je ne balançai pas à
prendre cette nouvelle ro u te , sous le prétexte de varier
mes observations, mais au fond pour éviter les
défilés que je ne me souciais nullement de revoir.
La nouvelle route, en effet, n’était pas belle, mais
nous nous en tirâmes à notre honneur ; a cinq
heures et demie nous rentrâmes en ville, et à six
heures je me retrouvais à bord, peu fatigué, quoiqu il
y eût bien longtemps que je n ’eusse fait une semblable
course.
Presque toutes les jeunes filles et les enfants que
j ’ai rencontrés sur mon chemin me demandaient le
quartillo. On m’a assuré que la principale occupation
des classes aisées est le jeu. Le peuple paraît doux, jovial
et frugal, mais très-enclin à la paresse. Une
extrême licence règne dans les moeurs. A mon passage
dans les ru es, plus d’une fois j’ai vu s’ouvrir une
fenêtre, un joli minois s’y montrer et m’adresser des
signes très-significatifs. Vingt années auparavant,,
j ’aurais peut-être, dans ma fatu ité, attribué ces
avances à ma bonne mine, mais désormais elles ne
pouvaient s’adresser qu’aux douros (piastres) dont
on supposait probablement mon gousset garni.
Toute la nuit la houle a été si dure, j ’ai été si rudement
secoué, que j’ai à peine fermé les y eux, et cela
m’a causé un mal de tête assez violent. Néanmoins,