voris, d’épaisses moustaches et des chapeaux pointus les distinguent
des étrangers. Leurs femmes ont le costume espagnol :
mantille noire, bas de so ie , robe et souliers en soie aussi ; elles se
montrent rarement dans les rues ; à peine en avons-nous vu
deux ou trois. Les hommes du peuple sont vêtus de guenilles :
une culotte courte, ouverte sur les côtés, laisse quelquefois voir
un caleçon de toile grossière ; quelques-uns portaient, malgré la
saison, des manteaux de couleur jaunâtre, assez semblables à
ceux des charretiers provençaux, et en même temps un chapeau
de paille recouvrait une vaste chevelure qui n’avait probablement
jamais été peignée. Les femmes portent un costume particulier
: par-dessus une mantille d’étoffe de laine, tantôt grise,
tantôt blanche, elles se coiffent d’un chapeau d’homme en feutre.
Ce costume n’a rien de gracieux et parait repoussant même au
premier aspect. En général, le peuple est dégoûtant, sale, en
haillons, couvert de vermine ; il parait joindre une profonde mi-
sere à la nonchalance peut-être particulière au sang africain qui
coule mélangé dans leurs veines. Leur conformation est loin
dêtre belle. Une peau brune, presque basanée, des traits peu
gracieux, des pieds et des mains mal faits, ne sont pas rachetés
par de belles dents et quelques beaux yeux. Les femmes âgées
surtout sont laides ; elles doivent perdre facilement la fraîcheur
et la jeunesse précoce naturelle aux peuples du midi.
Les habitations du peuple sont dégoûtantes à voir. La plupart
de ces cases étaient bâties comme des écuries : la terre pour
plancher, le toit pour plafond. A peine contenaient-elles quelques
ustensiles de ménage. Ces maisons étaient communes dans le-
voisinage de l’église des Franciscains. Une d’elles, large de six pas
sur huit de large, contenait pour tous meubles un pliant, sur
lequel des guenilles entassées formaient une espèce de matelas;
une chaise délabrée r deux ou trois pots de terre se trouvaient
près de deux grosses pierres noircies qui formaient un foyer sans
cheminée. La trace de la fumée se voyait sur le mur. Quelle misère
!... Aussi, comme au temps de Labillardière, cette malheureuse
population est livrée à la plus abrutissante prostitution,
e t , commé les gens du navire où il se trouvait, plusieurs personnes
des nôtres auront à se souvenir longtemps d’avoir cédé
aux prévenances des femmes de Santa-Cruz.
L’église des Franciscains possède un intérieur frais et élégant.
La principale entrée se trouve dans la tour du clocher ; elle est
de forme carrée et s’élève à une grande hauteur. En entrant, on
est frappé de la propreté qui y règne ; le plancher est formé de
carreaux de marbre alternativement noirs et blancs ; les murs
sont symétriquement divisés en autels successifs. Le grand-autel
déploie un étalage de bois doré, au milieu duquel se trouve une
niche recouverte d’un voile. Un enfant remplissait les fonctions
de cicérone : il tira un cordon, et la statue en bois de saint François
parut; elle était brillante comme si on l’avait peinte récemment.
Les deux autels qui occupaient les deux côtés du grand
avaient aussi de semblables niches. Celui de gauche offre une
grande simplicité de parure. Sur des cadres légèrement bordés
d’un filet d’o r , les rideaux foncés, recouvrant les saints, rehaussaient
l’éclat du fond blanc. Vu à travers la colonnade, à une
certaine distance, cet autel fait un très-joli effet. Au-dessus d’un
des autels, auprès de la porte d’entrée, se trouvent deux drapeaux
déchirés et largement troués. L’un d’eux est un pavillon
anglais, pris sur Nelson lors de sa tentative infructueuse sur
Santa-Cruz. Nous n’avons pu reconnaître l’autre, et à notre
grand regret, notre cicérone nu-pieds n’a pu nous en dire
l’histoire. Deux ou trois mauvais tableaux étaient suspendus aux
murs de l’église. Un d’e u x , de vieille date, et restauré tant bien
que mal, représentait la naissance du Christ. Un autre montrait
de bons moines franciscains tirant des flammes de l’enfer et des
étreintes des serpents de pauvres âmes damnées, tandis qu’un
ange, en costume de guerrier grec, pèse dans une massive balance
deux rouleaux de papier. Auprès de ce tableau caractéristique