216 NOTES.
courant avait repris toute sa force. Le plomb de sonde emporté
par le courant accusait a5 brasses de fond, tandis que nous n’étions
que par 16 brasses. En mouillant l’ancre de tribord, le
manchon en fer de la bitte fut soulevé, et retomba sur la chaîne
qu’il étrangla contre le montant de la bitte, en empêchant la
chaîne de filer. L’ancre poussée par le courant contre la carène
du navire, resta suspendue à l’écubier, sans qu’il fût possible de
la faire parer. L’ancre de bâbord éprouva un accident semblable
en tous points ; de telle sorte que la corvette resta plus de dix
minutes livrée sans défense à un courant dé près de 8 noeuds et
à une très-forte brise. Plus près de terre, la corvette eût couru
le risque de faire côte et d’y rester. On parvint à soulever le manchon
de la bitte de bâbord qui faisait stopper sur la chaîne qu’on
put ainsi filer jusqu’à 90 brasses. On travailla jusqu’à minuit à
remettre au bossoir l’ancre de tribord, et le lendemain on répara
les bittes.
A onze heures du soir, le courant avait toute sa force, et la brise
soufflait toujours par violentes rafales, la mer quoique resserrée
dans un bassin, s’élevait en vagues courtes et serrées qui déferlaient
sur le pont. L’artimon qui avait été bordé ne put nous
faire éviter lèvent et la lame. La Zélée qui venait de mouiller près
de nous, resta comme Y Astrolabe, le jouet du vent et de la marée ;
les corvettes obéissant tantôt à l’impulsion du vent, tantôt à celle
du courant, se croisèrent plusieurs fois à petite distance, de manière
à nous faire redouter un abordage qui nous eût mis en
pièces. Notre anxiété ne disparut qu’après minuit, où le vent et
la marée perdirent peu à peu de leur violence.
- (M . Roquemauj'el.)
Note 33, page 84.
Nous demeurâmes dans cette terrible position depuis dix heures
du soir jusqu’à trois heures du matin. Jamais quart ne me
fut a u s s i pénible que celui que je fis cette nuit. Je crois qu’il est
impossible d’être plus en danger de s’aborder, et un abordage
dans cette nuit eût été affreux; la mer était monstrueuse et déferlait
sur les gaillards.......
(M. Gourdin.').
Note 34, page 87.
Dans l’après-midi, comme nous rangions à deux milles de
distance la rive gauche du canal ou la Terre de Feu, on crut apercevoir
un homme sur la crête des falaises. Bientôt il en parut
u n second et puis deux autres. Le premier était à cheval, et les
autres semblaient suivre au petit pas leurs paisibles montures
qui étaient chargées de quelques fardeaux. On fit bien des conjectures
sur la présence de ces hommes sur la Terre de Feu, et
surtout sur l’apparition des chevaux, qu’on croyait n’exister que
sur les terres de la Patagonie. A la distance ou nous étions , il
était difficile de rien préciser sur la taille des indigènes, à moins
d’être aussi crédules ou même aussi portés à l’exagération que
l’étaient nos devanciers. Cependant, les individus qui fixaient
notre attention s’étant arrêtés, puis cheminant de nouveau, je fus -
frappé de voir les piétons sans cesse accolés à leurs montures.
Enfin un examen plus attentif à l’aide des lunettes, nous fit juger
que ce que nous avions pris pour un cavalier n’était qu’un animal
à croupe arrondie, tête élevée, poil rougeâtre, ventre blanc,
queue blanche, courte et touffue ; en un mot une sorte de mouton
du Pérou, connu sous le nom de llama ou guanaco. Ces
timides bêtes, après avoir fait quelques pas, et jeté un regard sur
la mer, rentraient dans leurs domaines.
Vers sept heures du soir, au moment où nous allions débouquer
du second goulet, on aperçut sur le cap St.-Vincent qui en forme
la pointe S. O., du côté de la Terre de Feu, une fumée qui nous
apprit que cette partie de la côte était habitée. On vit en effet au