pourvues d’arbres, et le sol, en ces endroits, était couvert d’une
herbe très-touffue, et quelquefois de joncs dans les creux. Nous
marchâmes environ une heure dans les bois avant d’arrivèr au-
dessus du cap Remarquable, car nous fûmes obligés de traverser
un grand ravin. J’avais déjà de fortes craintes sur les prétendus
fossiles du cap, et elles furent bientôt réalisées, car nous descendîmes
au bas d’une grande portion à pic de la montagne : c’était
absolument la même nature de roches que celles que nous avions
remarquées auparavant sur le penchant de la montagne. Le cap
n’était donc plus qu’un grand bloc de ciment liant des couches
de cailloux. Nous prîmes plusieurs échantillons pour preuve, et,
après nous être reposés, nous retournâmes sur nos pas, comptant
revenir par la forêt, comme étant plus commode et plus praticable
que le maudit chemin de la mer. Malheureusement j ’avais oublié
ma boussole de poche, et jecraignais bien un peu de nous perdre ;
mais une nuit à passer dans le bois ne nous effrayait pas. Nous
refîmes le même chemin, à peu près, en suivant la crête, afin
d’avoir vue autour de nous pour nous reconnaître. Comme nous
étions harassés de fatigue, les haltes étaient fréquentes, et à chaque
fois j’allumais un grand feu dans la forêt : c’est ce qui nous
évita une furieuse corvée. Le matin, l'ingénieur hydrographe
s était fh.it débarquer sur l’île de Nassau, pour faire des observations
; e t , dans l’après-midi, le canot qui alla le chercher, ayant
reçu pour indication d’aller où il y avait un grand feu, vint droit
dans la baie de Boumand, où nous étions, croyant y trouver l’ingénieur.
Nous poussâmes aussitôt des cris féroces, et nous nous
hâtâmes de descendre pour profiter de cette bonne aubaine. Mais
quand nous revînmes sur nos pas pour chercher un endroit pour
descendre, les feux que nous avions allumés derrière nous, et qui
s étaient joints, nous barrèrent le passage, et je vis un instant où
nous étions bloqués d’un côté par le f eu , et de l’autre par un
précipice affreux. Heureusement nous découvrîmes un petit passage,
où nous nous engageâmes, au risque de nous rompre le cou,
tant la pente était rapide. Mais l’idée de retourner en canot à bord,
au lieu défaire trois ou quatre lieue» dans le bois, étant déjà harassés
de fatigue, nous faisait avancer »ans voir, Nous ne descendions
pas, nous nous précipitions ; car la perspective de passer la nu it,
quand on n’a fait pour tout repas du jour que le maigre dçjeûner
du matin, et nous n’avions plus rien, était peu attrayante, Aussi
nous fûmes bientôt au bas du ravin, au milieu duquel coule un
petit ruisseau. Le canot appartenait à ï Astrolabe, et nous indiquâmes
au patron où se trouvait l’ingénieur, Noua le prîmes sur
l’île de Nassau, et revînmes à bord ver» cinq heures et demie du
soir, où nous trouvâmes un superbe dîner de jour de l’an ,a v e c
des vins de toutes qualités, et au milieu de tous les officiers, élèves
et commandant réunis.
On ne voulut d’abord pas eroire que nous avions été au cap
Remarquable, malgré les échantillons que nous rapportions. Et
le premier médecin du b o rd , voulant s’assurer lui-même de la
formation du cap, obtint le lendemain matin un canot pour aller
l’explorer. Les échantillons qu’il en rapporta étaient absolument
semblables aux nôtres. Quant il eut examiné le chemin que nous
avions dû faire pour aller au cap, il ne pouvait concevoir comment
nous avions pu passer.
(M. La Farge.')
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Pendant notre séjour dans cette baie, on trouva quelques coquilles
fossiles sur les roches calcaires du nord de 1a baie.
MM. de La Farge et Jacquinot qui allèrent reconnaître le cap Remarquable
de Bougainville, n’y trouvèrent pas, comme l’a signalé
ce navigateur, des coquilles fossiles, mais bien un conglomérat
de cailloux roulés, enveloppés dans une gangue aussi dure
qu’eux qui annonce un des derniers étages des terrains secondaire
», ou peut-être le commencement des formations tertiaires,