l x i v INTRODUCTION,
spécieux en apparence , mais au fond le plus puéril,
avec mes sentiments et l’expérience que j ’avais acquise,
acheva de me déterminer. Poursuivi par l’exemple de
Coo k,je songeais souvent aux trois voyages de ce
célèbre navigateur et j ’étais tourmenté presque chaque
nuit par des songes où je me figurais être en train
d’exécuter ma troisième campagne autour du monde.
Ces songes avaient cela de bizarre qu’ils avaient presque
toujours pour but de m’avancer vers le pôle et finissaient
d’ordinaire par engager mon navire , qui était
constamment l'Astrolabe, dans des canaux étroits,
des bas-fonds ou même des défilés en terre-ferme où
je voulais encore le faire naviguer. Pourtant, tout en
admirant les courageux efforts de Cook, de Ross, de
Parry, au travers des glaces, je n’avais jamais ambitionné
l’honneur de marcher sur leurs traces : au contraire,
j ’avais toujours déclaré que j ’aurais préféré trois
années de navigation sous le ciel embrasé des contrées
équatoriales à deux mois de séjour dans les régions
glaciales. Un fait non moins singulier, c’est que ces
songes importuns cessèrent aussitôt que la campagne
au pôle fut décidée, et il n’en fut plus jamais question
pour moi.
D autre part, bien des considérations me retenaient à
terre; l’existence heureuse et calme que je menais dans
ma chaumière, là société d’une compagne chérie qui
avait si longtemps souffert de mes absences, le plaisir
que j ’éprouvais à voir se développer rapidement les facultés
de mon fils luttaient avec force contre mes nouveaux
projets. Enfin les désirs vagabonds l’emportèrent
encore une fois et je n’eus plus qu’à obtenir l’assentiment
de ma femme . On concevra sans peine le chagrin
qu’elle dut éprouver à mes premières ouvertures;
pourtant, après avoir bien pesé mes motifs, surtout en
vue du bien-être de ses enfants, elle consentit à cette
longue et douloureuse séparation, elle s’occupa même
des préparatifs de mon départ avec un courage, un
zèle et un dévouement dont je lui serai toute ma vie
reconnaissant.
Alors, et c’était au mois de janvier 18371 j ’écrivis au
ministre de la marine, M. le vice-amiral de Rosamel,
pour lui proposer de m’employer dans une nouvelle
campagne d’exploration autour du globe. Dans une
réponse bienveillante, l’amiral-ministre me témoignait
sa bonne volonté , mais ajoutait que les dépenses considérables
nécessitées par les armements des frégates
1 -drtcmisc et la s nus pourraient le forcer à ajourner
l’exécution de mon projet.
Un moment je craignis que cette réponse ne fut
qu’un moyen poli d’éluder ma proposition , une sorte
I.