CHAPITRE IV.
Traversée de Rio-Janeiro au Port-Famine.
1837. Ayant terminé toutes les affaires qui m’avaient
i4 Novembre. . , \ . 1 ' t »* t • i ' 1 porte a toucher a Rio-Janeiro, des une heure trente
minutes après-midi, les deux corvettes remirent à la
voile, au grand regret d’une bonne partie de nos officiers,
qui auraient bien désiré une plus longue relâche
dans une ville qui leur promettait tant de jouissances
et de distractions. Moi-même, qui n ’avais jamais visité
cette célèbre capitale de l’empire brésilien, je
n ’aurais pas mieux demandé que d’y passer au moins
deux ou trois jours. Mais ces deux ou trois jours auraient
pu m’en faire perdre plusieurs autres, et c’était
ce que je devais éviter. D’ailleurs, je n ’avais pas entrepris
ce voyage pour satisfaire seulement une vaine
et frivole curiosité. Il fallait rallier, sans retard, les
régions australes.
Le ciel s’étant embelli et la brise s’étant établie à
l’E. S. E. nous filmes route au S. S. 0 . fdant 5 ou
G noeuds. Avec le beau temps, toutes les espèces de 1SÎ!V
1 1 NoVembr
races maritimes reparurent autour de nous. Albatros,
pétrels, damiers, se jouaient à la surface des eaux,
tandis que des bandes innombrables de scombres
(espèce de bonites) agitaient par moments les eaux
avec une telle pétulance, et sur des espaces si étendus,
qu’on eût dit de véritables brisants. Nous vîmes aussi
quelques baleines plus paisibles, et ne révélant leur
présence que par des jets d’eau solitaires accompagnés
d’un bruit sourd et monotone.
Nos chronomètres doivent avoir peu varié depuis
notre départ, puisque la moyenne de trois bonnes
montres a donné, cet après-midi, à M. Demas, une
longitude qui s’est accordée à une minute près avec
celle qui a été déduite des relèvements sur la carte de
M. l’amiral Roussin.
Sur les dix heures du matin, une douzaine de su - io.
perbes coryphènes ( vulgo dorades ) ont entouré la
corvette. L’un de nos matelots nommé Surin, habile
harponne ur, a bientôt ramené à bord deux de ces
poissons longs de trois pieds environ. Un autre s’est
échappé grièvement blessé des dents de la foène. Ce
mets a été fort bien accueilli sur nos tables, et il est
bien fâcheux que ces bonnes fortunes arrivent si rarement.
Dans la journée du 14 au 15 novembre, un courant
remarquable s’était déjà prononcé, d’environ 24 milles^
à l’O. S. 0 . mais durant les vingt-quatre heures qui
ont suivi, il s’est élevé jusqu’à 43 milles au S. 0. C’est
très-singulier en pleine mer.