qu il ait été possible de transcrire, en leur conservant une prononciation
équivalente..
(M. Roquemaurel
Note 6 8 , page i5 i .
Mon premier soin, en arrivant à terre, fut de mesurer le plus
grand des Patagons qui se trouvaient à la plage; et j.e fus fort
étonné de ne lui trouver que i"', 85 de hauteur, taille fort élevée,
sans doute, mais bien au-dessous de celle que leur ont attribuée
Byron et les autres navigateurs du siècle dernier. Nous allions
nous mettre en route pour nous rendre au camp de la tribu, lorsque
le chef nous fit comprendre qu’il était levé, et que toute la
tribu allait incessamment arriver. Nous vîmes effectivement Un
grand nombre de chevaux chargés de femmes, d’enfants et de
tentes, qui s approchaient, et toute la côte semée de cavaliers qui
arrivaient au galop. La caravane s’arrêta à portée de fusil du
point où nous avions débarqué, et, en un clin-d’oeil, les tentes de
peaux de guanaques et de chevaux se trouvèrent dressées par les
soins des femmes seules, que toutes nos tentatives galantes ne
purent réussir à distraire de leurs travaux. Mais dès que cette
besogne fut terminée, elles passèrent a leur toilette; car, comme
toutes les femmes du monde, celles-ci ont leur coquetterie. Cette
toilette, du reste, ne consiste qu’à se peigner la chevelure et à'se
peindre en rouge une partie du visage. Les unes se tracèrent une
ligne rouge passant au-dessous des yeux, en divisant ainsi la figure
en deux parties ; les autres se teignirent de manière à ne laisser
la couleur naturelle de la peau qu’à une ligne d’un pouce de largeur,
encadrant dans un ovale leur visage déjà assez original par
lui-même. Comme les hommes, les femmes ont la figure large, les
yeux petits, très-couverts et inclinés à la chinoise, la peau cuivrée,
les lèvres épaisses et les dents du plus bel émail. Le bizarre
badigeonnage de leur toilette produisit d’abord sur nous une impression
peu favorable ; mais nous finîmes d’autant mieux à nous
y accoutumer, que c’est la seule marque extérieure qui nous fît
distinguer les sexes, et que dès-lors seulement se terminèrent une
foule de méprises assez singulières. M” ’ remarquant sous un
manteau de peau des formes sveltes et une figure plus gracieuse
que toutes les autres, se confondait depuis une demi—heure en
caresses et en protestations tendres, auxquelles son idole semblait
faire fort peu d’attention ; rien ne le rebutait, ni la froideur dédaigneuse
de sa beauté farouche, ni les regards étonnés des Patagons
présents. Il porta enfin une main téméraire sur le trompeur manteau
,, dont un mouvement indiscret lui découvrit sa méprise. Il
recula confus et fut plus circonspect, de peur de prendre encore
un jeune garçon pour une jeune fille, erreur désagréable, même
dans une tribu de Patagons.
Pendant que nous étions à terre, le vent, qui soufflait du N. 0 .
lors de notre débarquement, fraîchit considérablement, ce dont
nous n’avions pris aucun souci tant que l’heure du dîner était
loin de nous; mais, quand elle fut arrivée, le cours de nos idées
changea complètement, et suivit la pente que lui imprimaient nos
estomacs. Il était visiblement impossible que les navires communiquassent
avec nous, et nous nous trouvions, sans vivres aucuns,
au milieu de gens qui, nous ayant à force d’importunités arraché
le biscuit que nous avions apporté, paraissaient très-peu disposés
à nous fournir de quoi apaiser notre faim. Enfin, la nuit approchant,
il nous fallut bien aviser aux moyens de nous procurer des
aliments et un abri pour la nuit. Nous réussîmes à obtenir du
chef de la tribu une tente, qu’il fit dresser au milieu du camp ;
mais nous ne pûmes, malgré son influence, parvenir à avoir autre
chose qu’un morceau de guanaque, de trois livres au plus. Triste
pitance, pour satisfaire dix-sept affamés, dont chacun eût eu
peine à se contenter du tout.
Quelques-uns partirent pour la chasse, et les autres se répandirent
dans la plaine, creusant la terre pour extraire des racines,