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plaintes fur ce même rocher antique contre lequel venoient
fe brifer les flots de la mer agitée, & où leur maître aflïs
comme le maître des dieux fur le fommet du Mont-Olympe,
leur avoit fi fouvent dévoilé les fecrets de la fcience &
ceux de la vertu. Ils confacrèrent ce Mont à leur père
chérij ils en firent, pour ainfi dire, un lieu faint : & pour
charmer leur peine, diminuer leur pérte, Si fe retracer
avec plus de force les vérités fublimes qu’il leur avoit montrées
, ils chantèrent un hymne funèbre, & peignirent dans
leurs chants trilles & lugubres & fon génie & leur douleur.
Que ne pouvons-nous auflî, nous tous qui confacrés
à l’étude de l’Hiftoire naturelle, avons reçu les leçons ,
avons entendu la voix du Platon moderne, chanter en
Ion honneur un hymne funéraire ! RalTemblés des divers
points du globe où chacun de nous a confervé cet amour
de la nature qu’il favoit infpirer fi vivement à fes difciples,
que ne pouvons-nous pénétrer, tous enfemble jufqu’au
milieu des plus.anciens monumens élevés par cette nature
puiflante, porter nos pas vers ces Monts fourcilleux dont
les cimes toujours couvertes de neiges & de frimats ,
dominent fur les nuées & femblent réunir le ciel avec la
terre ! C ’eft fur ces malles énormes, fur ces blocs immenfes
de granits, que les fiècles ont attaqués envain & qui feuls
paroiflent avoir réfillé aux combats des élémens, & à toutes
les révolutions éprouvées par le globe de la terre, c’elt fur
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ces tables refpeélées par le temps que nous irions graver
le nom de Buflfon : c’eft à ces antiques témoins des antiques
bouleverfemens de notre planète, que nous irions
confier le fouvenir de nos regrets & de notre admiration :
tout autre monument feroit trop périftable pour une auffi
longue renommée.
Élevons-nous du moins par la penfée au-delfus de ces
rocs efcarpés» avançons fur le bord des profonds abîmes
qui les entourent, & parvenons jufqu’au fommet de ces
monts entaffés fur d’autres monts. La nuit règne encore ; aucun
nuage ne nous dérobé le firmament j 1 atmofphere la
plus pure lailfe refplendir les étoiles à nosyeux ; nous v oyons
ces aftres fixes briller des feux qui leur font propres, & les
aftres errans nous renvoyer une douce lumière ; ravis d admiration
, plongés dans une méditation profonde, nous
croyons voir le génie de lu nature dans la contemplation de
l ’univers (a) ; tout nous rappelle ces vives images prodiguées
par Buffon avec tant de magnificence, ce tableau
mobile des cieux , que dans fa noble audace , il a tracé
avec tant de grandeur (b), & debout fur les lieux les plus
élevés du globe , nous entonnons un hymne en fon
honneur.
•O) Voyez la planche qui fert de frontifpice à la Théorie de la terre de M- de Buffe»-
( i j hurMion à l’IUJb>iic des Minéraux, far M- de Buffîn-
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