44 H i s t o i r e N x t v r e z z e
fes membres, fufpend fes mouvemens, anéantit- fes
forces, la plonge dans une forte d’abattement, & la
livre fans défenfe à l’animal vorace & carnaffier.
Cette vapeur putride, qui produit des effets fi fu-
neftes fur les animaux qui y font expofés , & qui a
donné lieu à tant de contes bizarres & abfurdes (à) ,
forme une forte d’atmofphère empeftée autour de
prefque tous les grands Reptiles , foit qu’ils aient du
venin , ou qu’ils n’en foient pas infeétés ; & elle
ne doit être prefque jamais rapportée à la nature de
ce poifon, qui, malgré fon activité, ne répand pas
fouvent une , odeur fenfible , même lorfqu’il eft
mortel.
Lorfque les Serpens fe font précipités fur les- animaux
dont ils fe nourrilfenf, ils les retiennent en fe
roulant plufieurs fois autour d’eux , & en les ferrant
dans leurs nombreux replis • ils les dévorent alors, &
ce qui fert à expliquer comment ils avalent des volumes
très-confidérables, c’eft que leurs deux mâchoires
font articulées enfemble de manière à pouvoir fe fé~
parer l’une de l’autre, & s’écarter autant que la peau de
la tête peut le permettre ; cette peau obéilfant avec
facilité aux efforts de l’animal, & les deux os qui forment
(a) Liiez particulièrement i’Hiftoire générale des Voyages, édition
in-12. tom. 53, pag. 445, & fuiv*
les deux côtés de chaque mâchoire , n’étant réunis
vers le mufeau que par des ligamens qui fe prêtent
plus ou moins à leur féparation , il n’eft pas furprenant
que la gueule des Serpens devienne une large ouverture
par laquelle ils peuvent engloutir des corps très-gro$.
D’ailleurs comme ils commencent par brifer au milieu de
leurs contours les os des animaux,& les autres fubflances
très-dures, qu’ils veulent avaler ; comme ils s’aident, pour y
parvenir plus facilement, desarbres, des greffes pi erres &
de tous les corps très-réfiftans qui peuvent être à leur portée
; comme ils les enveloppent dans les mêmes replis que
leurs viétimes, & qu’ils s’en fervent comme d’autant de
levierspour lesécrafer, il eft encore moins étonnant que
leurs alimens , étant broyés de manière à céder aux differentes
preffions, & étahf enduits de leur bave & d’une
liqueur qui les rend plus toupies &plus gluans,puiffent
entrer en grande maffe dans leur gueule très-élargie ;
ils ferrent même fouvent leur proie avec tant de
force & de promptitude , que non-feulement ils la
compriment , la brifent & la concaffent , mais la
coupent comme le fer le plus tranchant.
Les anciens connoiffoient cette manière d’attaquer
qu’emploient prefque tous les Serpens , & furtout les
très-grandes efpèces. Pline (V) a écrit même que lorfque
(u) P lin e, Liv, X , Çhap. gsu