1 4 H i s t o i r e N a t v r e z z e
qu’ils emploient l’une après l’autre dans leurs courfes
ordinaires, alongeant tout-d’un-coup toute leur maffe,
& leurs refforts fe débandant tous à-la-fois , ils fe
déroulent & s’élancent vers l ’objet qu’ils veulent
atteindre, avec la rapidité d’une flèche fortement
vibrée, & en franchiffant fouvent un elpace de plu-
fieurs pieds.
Les Serpens qui grimpent fur les arbres s’y retiennent
en entourant les tiges & les rameaux par les divers
contours de leur corps ; ils en parcourent les branches
de la même manière qu’ils s’avancent fur la furface
de la terre ; ils s’élancent d’un arbre à un autre , ou
d’un rameau à un rameau, en appuyant contre l’arbre
une portion de leur corps , & en la pliant de mahière
quelle faffe une forte de raifort & qu’elle fe débande
avec force ; ou bien ils fe fufpendent par la queue ,
& balançant à plufieurs reprifes leur corps qu’ils alon-
gent avec effort, ils atteignent la branche à laquelle
ils veulent parvenir , s’y attachent en l’embraffant
par plufieurs contours de leur partie antérieure, fe
refîerrent alors, fe raccourciffent, ramaffent, pour
ainfi dire, leur corps, & retirent à eux leur queue
qui leur avoit fervi à fe fufpendre.
Les très-grands Serpens l’emportent en longueur fur
tous les animaux , en y comprenant même les crocodiles
, dont la grandeur efl la plus démefurée , & qui
ont depuis vingt-cinq jufqu’à trente pieds de long , &
en n’en exceptant que les baleines de les autres grands
cétacées. A l’autre extrémité cependant de l’échelle
qui comprend tous ces Reptiles arrangés par ordre de
grandeur , on en voit qui ne font guère plus gros
qu’un tuyau de plume, & dont la longueur, qui n’eft
que de quelques pouces, furpaffe à peine celle des
plus petits Quadrupèdes, tant ovipares que vivipares.
L ’ordre des Serpens efl: donc celui où les plus grandes
& les plus petites efpèces diffèrent le plus les unes des
autres par la longueur. Mais f i , au lieu de mefurer
une feule de leurs dimenfions, on pèfe leur maffe, on
trouvera que la quantité de matière que renferment
les Serpens les plus gigantefques, efl: à-peu-près dans
le même rapport avec la matière des plus petits
Reptiles, que la maffe des grands éléphans, des
hyppopotames, &c. avec celle des rats, des rnufa-
raignes, des plus petits Quadrupèdes vivipares.
Ne pourroit-on pas penfer que, dans tous les ordres
d’animaux , la même proportion fe trouve entre la
quantité de matière modelée dans les grandes efpèces,
& celle qui efl employée dans les petites ? Mais, dans
l’ordre des Serpens, tous les développemens ont dû fe
faire en longueur plutôt qu’en groffeur ; fans cela ,
ces Reptiles, & fur-tout ceux qui font énormes, privés
de pattes & de bras, auraient à peine exécuté quelques
mouvemens très-lents : la vîteffe de leur courfe ne
doit-elle pas, en effet, être proportionnée à la grandçvtf