I 2 B H i s t o i r e N a t v r e l z e
proportionné à la différence de la longueur du corps
de ces deux Serpens, le ■ Fer-de-lance parvenant à
une longueur doublé de celle de la vipere commune
d’Europe.
Suivant certains Voyageurs , fes petits fortent tous
formés du ventre de leur mère, qui ne ceffe de ramper
pendant qu’ils viennent à la lumière ; mais, fuivant un
autre Obfervateur (a) , ils fe débarraffent de leur enveloppe
au moment même où la femelle les dépofe à terre.
Chaque portée comprend depuis vingt jufqu à foixante
petits, & il paraît que le nombre en eft toujours pair.
Ils ont, en naiffant, la groffeur d’un ver de terre , &
fept ou huit pouces de long ; lorfqu’ils font adultes ,
ils parviennent jufqu’à la longueur de fix pieds , ainfi
que nous l’avons d it , & ont alors , dans le milieu
du corps , trois pouces de diamètre ; on en voit de
plus gros & de plus longs , mais ces individus font
rares.
Le Fer-de-lance fe nourrit de lézards Améiva, &
même de rats, de volaille , de gibier & de chats. Sa
gueule peut s’ouvrir d’une manière démefurée , & fe
dilater fi confidérablement, qu’on lui a vu avaler
un cochon de lait ; mais un Serpent de cette efpèce
ayant un jour dévoré un gros farigue, enfla beaucoup
.(a) Lettre déjà citée.
& mourut.
& mourut. Lorfque la proie qu’il a faifie lui échappe,
il en fuit les traces en fe traînant avec peine ; cependant
comme il a les yeux & l’odorat excellens , il
parvient d’autant plus aifément à l’atteindre, quelle
eft bientôt abattue par la force du poifon qu’il a diftillé
dans fa plaie. Il l’avale toujours en commençant par
la tê te, & lorfque cette proie eft confidérable, il refte
fouvènt comme tendu & dans un état d’engourdiffe-
ment qui le rend immobile jufqu’à ce que fa digeftion
foit avancée.
Il ne digère que lentement, & lorfqu’on a tué un
Fer-de-lance quelque temps après qu’il a pris de la
nourriture , il s’exhale de fon corps une odeur fétide
& infupportable. Quelque dégoût que doive infpirer ce
Serpent, des Nègres & même des Blancs , ont ofé
en manger , & ont trouvé que fa chair étoit un mets
agréable (a). Cependant la mauvaife odeur dont elle
eft imprégnée lorfque l’animal eft vivant, doit fe con--
ferver après la mort de la vipère, de manière à rendre
cette chair un aliment aufft rebutant que le venin du
Serpent eft dangereux.
On a écrit que ce poifon étoit fi funefte , qu’on ne
connoiffoit perfonne qui. eût été guéri de la morfure
du Fer-de-lance ; que ceux qui avoient été blelïés
(a) Lettre déjà citée;
Serpens, Tome I I . r