1 6 H i s t o i r e N a t u r e z z e
de l’arc que leur corps peut former pour fe débander
enfuite ? Auroient-ils pu fe plier avec facilité & chercher
fur la furface du terrein , des points d’appui qui
remplaçaflent les pieds qui leur manquent ? Ne pouvant
ni atteindre leur proie, ni échapper à leurs ennemis,
n’auroient-ils pas été comme des ma fies inertes
expofées à tous les dangers & bientôt détruites ? La
matière a donc dû être façonnée dans une dimenfion
beaucoup plus que dans une autre, pour que le produit
de ce travail pût fubfifter , & que l’ordre des Serpens
ne fût pas anéanti, ou du moins très-diminué ; & voilà
pourquoi la même proportion de mafîe fe trouve entre
les grands & les petits Reptiles d’un côté, & les grands
& les petits Quadrupèdes de l’autre ; quoique les
énormes Serpens l’emportent beaucoup plus , par leur
longueur, fur les plus petits de ceux que l’on connoît,
que les éléphans ne furpaffent les mufaraignes & les
rats, par leur dimenfion la plus étendue.
Entre les limites aflîgnées par la Nature à la longueur
des Serpens, c’eft-à-dire , depuis celle de quarante
ou même cinquante pieds, jufqu’à celle de quelques
pouces, on trouve prefque tous les degrés intermédiaires
occupés par quelque efpèce ou quelque variété de ces
Reptiles, au moins à compter depuis les plus-courts
jufqu’à ceux qui ont vingt ou vingt-cinq pieds de
longueur. Les efpèces fupérieures parodient enfuite
comme ifolées ; .ceci fe trouve conforme à ce que l’on
g déjà
a déjà remarqué dans les Quadrupèdes vivipares (a ),
& prouve également que , dans la Nature , les grands
objets font moins liés que les petits par des nuances
intermédiaires. Mais voilà donc, depuis la petite étendue
de quelques pouces, jufqu’à celle de vingt-cinq pieds ,
prefque toutes les grandeurs intermédiaires repréfentées
par autant d’efpèces , ou du moins de races plus ou
moins confiantes ; & cela ne fuffiroit-il pas pour montrer
la variété qui fe trouve dans l’ordre des Serpens ?
H femble , à la vérité , au premier coup-d’oe il, que
des efpèces très-multipliées doivent fe reflembler pref-
qu’entièrement dans un ordre d’animaux dont le corps,
toujours formé fur le même modèle , ne préfente
aucun membre extérieur & faillant qui, par fa forme &
le nombre de fes parties, puifle offrir des différences
fenfibles. Mais fi l’on ajoute à la ■ variété des longueurs
des Serpens , celle des couleurs I éclatantes dont ils
font peints, depuis le blanc & le rouge le plus v i f ,
-jufqu au violet le plus foncé, & même jufqu’au noir ;
f ilo n obferve que ce grand nombre de couleurs font
merveilleufement fondues les unes dans les autres , de
manière à ne préfenter que très-rarement la même
teinte lorfqu’elles font diverfement éclairées par les
payons du fojgil ; fi l’on fe retrace tout-à-la-fois ce
< a) Voyez les articles de Méphant & des autres grands Quadrupèdes,
Serpens , Tome H, Ç