Les Naja ont ordinairement trois ou quatre pieds
de longueur totale ; celle de l’individu que nous avons
décrit , & qui eft au Cabinet du R o i, eft de quatre
pieds quatre pouces lix lignes ; l’extenfion membra-
neufe de fon cou a plus de trois pouces de largeur.
Il a cent quatre-vingt-dix-fept grandes plaques fous
le corps, & cinquante-huit paires de petites plaques
fous la queue, qui n’eft longue que de fept pouces dix
lignes. Celui que M. Linné a décrit avoit cent quatre-
vingt-treize grandes plaques , & foixante paires de
petites.
Le Naja eft féroce , & pour peu qu’on diffère de
prendre l’antidote de fon venin , fa morfure eft mortelle
; l’on expire dans des convulfions, ou la partie
mordue contracte une gangrène qu’il eft prefqu’impof-
fible de guérir ; aufli de tous les Serpens, eft-ce celui
que les Indiens, qui vont nuds-pieds, redoutent le plus.
Lorfque ce terrible Reptile veut fe jeter fur quelqu’un,
il fe redrefle avec fierté, fait briller des yeux étince-
lans, étend fes membranes en ligne de colère, ouvre
la gueule, & s’élance avec rapidité en montrant la
pointe acérée de fes crochets venimeux. Mais, malgré
fes armes funeftes , les Jongleurs Indiens font parvenus
à le dompter de manière à le faire fervir de fpeétacle
à un peuple crédule, de même que d’autres Charlatans
de l’Egypte moderne , à l ’exemple de Charlatans
plus anciens de l’antique Egypte, des Pfylles de Cyrène,
& des Ophiogènes de Chypre , manient fans crainte,
tourmentent impunément de grands Serpens, peut-être
même venimeux, les ferrent fortement auprès du cou,
évitent par-là leur morfure, déchirent avec leurs dents
& dévorent tout vivans ces énormes Reptiles, q u i,
fifflant de rage & fe repliant autour de leur corps, font
de vains efforts pour leur échapper (a).
Ces Indiens qui ont pu réduire les Naja &. fe garantir
de leur morfure, courent de Ville en Ville pour montrer
leurs ferpens à lunettes, qu’ils forcent, difent-ils,
à danfer. Le Jongleur prend dans fa main une racine
dont il prétend que la vertu le préferve de la morfure
venimeufe du Serpent, & tirant l’animal du vafe dans
(a) Lettres de M. Savary fur l'Egypte , vol. i , page 62.
Voyez aulîî le paflage fuivant de Schaw, tom. 2 , ch. j . ci On m’a
» affuré qu’il y avoit plus de quarante mille perfonaes au grand Caire
») & dans les Villages des environs , qui ne mangeoient autre chofe
» que des Lézards ou des Serpens. Cette façon fïngulière de fe nourrir
» leur Vaut, entr’autres, le privilège & l’honneur infigne de mar-
» cher immédiatement auprès des tapifferies brodées de foie noire ,
sj qu’on fabrique tous les ans au grand Caire pour le Kaaba de la
» Mecque , & qu’on va prendre au Château pour les promener en
j j proceffion avec grande pompe & cérémonie, dans les rues de la
J i Ville. Lorfque ces procédions fe font, il y a toujours un grand
j j nombre de ces gens qui l’accompagnent en chantant & en danfant,
« & faifant par intervalles réglés, toutes fortes de coutorfions & de
v gefticuiations fanatiques, j j
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